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l’expédition des dépêches, à rembourser aux voyageurs leurs frais de passage et à leur procurer les moyens de se rendre à leur destination par une autre voie. Quant aux marchandises embarquées, elles attendront le bon plaisir des inscrits. Conformément à la loi, l’armateur dépose une plainte en mains du commissaire de l’Inscription maritime ; mais ce dernier, l’accueillant avec un sourire, ne prend pas même la peine de la faire suivre au ministre compétent et la met philosophiquement au panier.

Un fait plus grave encore peut-être, puisqu’il s’est passé en pleine mer, s’est produit le 9 septembre, à bord du paquebot Moise rentrant d’Oran.

Au départ de ce port, un soutier a été reconnu malade par le docteur et exempté de service. Le chef mécanicien, jugeant qu’il était nécessaire de le remplacer par un autre soutier, en a en effet désigné un dans la bordée non de quart, en l’informant qu’il toucherait pour ce travail des heures supplémentaires. Le soutier désigné a refusé ses services au chef mécanicien ; il a même réitéré son refus au capitaine, qui l’avait fait appeler, et l’a insulté et menacé devant des passagers. Dans ces conditions, le capitaine lui a déclaré qu’il le débarquerait à son arrivée à Marseille.

Cet inscrit modèle a rejoint alors ses quartiers et prévenu ses collègues des intentions du capitaine ; aussitôt la bordée de quart, qui devait prendre le service de la chauffe, a déclaré qu’elle refusait le travail, à moins que le capitaine ne donnât sa parole d’honneur qu’il ne débarquerait pas leur camarade en arrivant à Marseille. Comme il faisait assez mauvais temps, le capitaine, craignant des avaries pour le navire si on laissait tomber les feux, et se préoccupant justement de ses passagers, qui manifestaient déjà leur inquiétude, a donné sa parole, contraint et forcé.

Nous sommes ici en présence d’une véritable révolte éclatant non point dans le port, mais en cours de voyage, en pleine mer. C’est un acte d’indiscipline sévèrement puni par la loi et qui, à ma connaissance, n’a été suivi d’aucune sanction pénale.

Enfin, pour donner une idée de l’état d’âme, non pas des inscrits, qui ont été longtemps de très braves gens et ne demanderaient pas mieux de le redevenir, mais de ceux qui les mènent et qui prétendent veiller à la défense de leurs intérêts en mentors dévoués, voici comment se termine une circulaire récente,