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obligatoire de ce rétablissement, c’est-à-dire la faculté laissée aux armateurs français, en temps de grève, de s’affranchir des obligations de la loi sur l’Inscription maritime, pour la composition de leurs équipages.


I

Les grèves d’inscrits se présentent sous diverses formes : grève générale, grève partielle, mise à l’index de telle ou telle compagnie, ou même de tel ou tel bateau. Il serait trop long d’en retracer l’historique complet, mais elles affectent depuis quelque temps une forme qui mérite une mention spéciale, parce qu’elle entraîne pour l’armement, le commerce en général et les voyageurs, des conséquences aussi désagréables que ruineuses : nous voulons parler de la grève éclatant ex abrupto, marchandises, dépêches et voyageurs étant embarqués.

Ce procédé constitue un véritable raffinement dans cet art nouveau, où les meneurs des inscrits tendent à passer maîtres. La veille du jour du départ du navire, tout paraît tranquille : aucun signe de mécontentement n’a été observé ; le matin même, l’équipage a procédé aux travaux usuels, allumé les feux, mis les chaudières en pression ; il a déjeuné de bon appétit…, quand tout à coup, cinq minutes avant de lever l’ancre, au moment où le commandant monte sur la passerelle pour donner l’ordre de larguer les amarres, tous les hommes de l’équipage vont prendre leurs sacs, descendent à terre et déclarent ne pas vouloir partir en alléguant un prétexte quelconque.

Il est facile de se rendre compte du désappointement et de la mauvaise humeur des voyageurs, surtout des étrangers, qui jurent de ne plus s’exposer à une aussi détestable plaisanterie, en prenant les lignes françaises. Quant à l’armateur ou celui qui le représente, il parlemente pour essayer de ramener l’équipage à bord, il s’adresse au Commissaire de la marine en le priant d’user de son autorité et d’appliquer la loi, en cas de refus définitif de départ. Peine perdue…, ses réclamations restent vaines, tout aussi bien auprès des marins que des représentai des Pouvoirs publics, et il ne lui reste qu’à veiller au plus pressé, c’est-à-dire à ouvrir toutes grandes les soupapes d’échappement de vapeur, pour que les chaudières ne fassent pas explosion, à éteindre les feux, à se préoccuper de