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sans la Terreur. Que faut-il pour cela ? Il faut savoir et pouvoir. Il faut savoir que toutes les victoires remportées sur le peuple tournent fatalement contre la liberté ; — que si les idées font les révolutions, les intérêts seuls les consolident ; — que le peuple passera d’abord à l’indifférence, puis à la haine si on ne lui montre jamais la République que sous ses aspects les plus sombres et les plus attristans ; — qu’il y a deux sortes d’intérêt pour le peuple, l’intérêt matériel et l’intérêt moral ; — qu’une république démocratique doit au peuple du pain, du travail, de l’instruction et l’aisance ; — que l’idéal des républiques démocratiques, c’est l’égalité, non cette égalité céleste, présent trop facile des poètes sacrés et profanes ; non cette égalité devant la loi, présent trop innocent des publicistes monarchiques, mais l’égalité réelle qui fait un partage égal des biens et des maux entre les enfans d’une même famille, entre les égaux d’une cité libre… »

— Eh bien ! nous voilà au pur socialisme ! — Attendez ; le programme continue.

«… que cet idéal, auquel on n’atteindra jamais, il faut sans cesse y tendre par l’éducation, les mœurs, les institutions et les lois ; — que l’aisance, fruit d’un travail modéré et d’un capital modeste, est le type de la fortune du démocrate parfait [c’est du Biétry] ; — qu’au-dessous il n’y a pas assez : l’Etat y remédie sans cesse par des travaux largement distribués, par la distribution de parcelles du Domaine public ; — qu’au-dessus il y a trop : l’Etat nous ramène sans cesse au niveau salutaire par des lois économiques sagement calculées sur les successions, les testamens et les impôts progressifs [c’est du Caillaux] ; — qu’en un mot il faut, dans un Etat démocratique, que nul ne soit assez pauvre pour être tenté de vendre sa conscience et que nul ne soit assez riche pour être tenté de l’acheter [souvenir de Montesquieu et imitation de son style]. »

Tel est le programme de Michel en 1849, et rien dans ce qu’il a dit après, ni du reste dans ce qu’il a dit avant, n’est en désaccord le moins du monde avec ce programme. L’expression seulement, parfois et souvent, est plus vive. Toute sa vie Michel de Bourges a défendu des idées modérées avec des paroles violentes et c’est ainsi, qu’avec un intérieur bourgeois, il a fait façade de révolutionnaire. Ne soyez pas trompés par le discours à la Marat prononcé par Michel de Bourges devant trois ou