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lui fallait un public et il le prenait sous la forme du premier venu. C’est lui qui a dit le premier le mot de Numa Roumestan : « Quand je ne parle pas, je ne pense pas. » Il l’a dit en analyste assez fin : « Parler, c’est penser tout haut. En pensant tout haut, je vais plus vite qu’en pensant tout bas. » Ceci est bien vu ; c’est la parole excitatrice de la pensée, l’aiguillonnant et l’éperonnant, la forçant à courir et à ne pas s’égarer et vagabonder à droite et à gauche. La pensée parlée, c’est la pensée contrainte à ne pas se disperser dans la rêverie. La rêverie, c’est la pensée qui s’attarde ; la pensée parlée, c’est la pensée cravachée pour fournir un temps de galop : « je vais plus vite qu’en pensant tout bas. »

Son instruction semble, tout compte fait, avoir été assez forte. A la vérité, ses citations, d’ordinaire, ne vont guère au-delà de celles que l’on fait sans avoir lu aucun auteur, ne vont guère au-delà de Res sacra miser et de Quis custodiet custodes ; mais on croit voir qu’il a lu Cicéron, dont quelques discours nous reviennent à la mémoire quand nous lisons ceux de Michel ; il a, sans aucun doute, quelque teinture d’Aristote ; il est certain qu’il a lu Mirabeau et surtout qu’il possède très bien Montesquieu. « C’est mon maître, » dit-il quelque part ; « je le sais par cœur, » dit-il ailleurs. Et il le cite et il le cite bien, je veux dire dans les endroits que l’on ne connaît que quand on l’a beaucoup fréquenté, et dans le vrai sens de sa doctrine, parfois fuyante. Qui, dans une affaire où est soulevée la question du duel, s’aviserait de citer Montesquieu ? Michel le fait : « Je ne veux pas rester seul ; car je serais vaincu. Voici ce que m’apprend mon maître en politique et le maître, je crois, de tous ceux qui savent quelque chose, celui qui fut aussi bon magistrat qu’il fut grand publiciste, encore qu’il détestât la procédure. Voici ce que dit Montesquieu : « Je trouve qu’au commencement de la troisième race… »

Et, la question étant de savoir quel est le principe de la République, MICHEL DE BOURGES : « Montesquieu a dit que la vertu républicaine était dans l’amour de la République… — M. GOULHOT DE SAINT-GERMAIN : Montesquieu n’a pas dit cela ; il a dit que le principe des Républiques est la vertu. — MICHEL DE BOURGES : Il a défini la vertu l’amour de la République et de l’égalité. — M. DE SAINT-GERMAIN : Je me suis permis de rétablir l’esprit de Montesquieu… » — Or c’est Michel de Bourges qui est dans