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l’armée, à qui ? au président de l’Assemblée, c’est-à-dire à Dupin, la belle garantie ! Je reconnais que Dupin n’est pas une garantie. Mais dans des circonstances de ce genre, ce n’est pas l’homme qui est la garantie, c’est la fonction. Dupin n’aurait peut-être pas requis l’armée contre le prince Louis ; mais le président de l’Assemblée aurait été forcé par l’Assemblée de requérir l’armée, et cela eût été au moins gênant pour le prince Louis.

Mais, me dira-t-on, quelque requise qu’elle eût été, l’armée ne serait jamais venue au secours de l’Assemblée. Veuillez croire que j’en suis sûr. L’illusion de la Droite était de croire avoir l’armée pour elle. L’illusion, tout aussi plaisante, de la Gauche était de croire avoir l’armée pour elle. (Michel de Bourges : « l’armée est pour nous. ») Donc l’armée ne serait pas venue au secours de l’Assemblée. Mais encore il était très bon de faire savoir au prince Louis qu’on avait au moins l’intention de se défendre ; tout au moins, c’était meilleur que de lui faire savoir qu’on était résigné à ne le point faire. Il était très bon de « montrer les dents » au prince-président. Après tout, au 19 Brumaire les grenadiers n’ont pas obéi si facilement au général Bonaparte. « La majesté des lois » a toujours quelque prestige. La fermeté de l’Assemblée pouvait faire hésiter le prétendant. S’il est vrai, — et l’on m’accordera que c’est vraisemblable, — que le vote des 408 a réjoui le prince Louis ; s’il est vrai, — et l’on m’accordera que c’est vraisemblable, — que, le soir du 17 novembre 1851, il a dû se dire : « La Droite se défie de moi ; mais la Gauche se défie de la Droite plus que de moi et le Centre se résigne ; et l’affaire est bonne, » la question est jugée : il fallait faire front, même sans beaucoup d’espoir, contre le prince Louis ; il ne fallait pas faire quelque chose qui n’a pu que le réjouir et l’encourager.

Quant à l’argument de M. Louis Martin qui consiste à dire : « Voyez quels hommes ont voté avec Michel de Bourges : Arago, Jules Favre, Victor Hugo, Pierre Leroux, Edgar Quinet, de Flotte, Bac, Madier de Montjau, Baudin, Nadaud, Pascal Duprat, Charles Boyssct, Joigneaux, Greppo, Miot, Schœlcher ! » je ne sais pas pourquoi cet argument me laisse complètement insensible.

Quoi qu’il en soit, le coup d’Etat eut lieu, et Michel de Bourges fit son devoir contre lui. Il chercha à réveiller la sentinelle invisible ; il lit partie du comité de résistance. « Il monta » même,