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Michel de Bourges n’est point du tout de Bourges, comme on le croit généralement. Si M. Clemenceau est du Var, mais est né en Vendée, Michel était de Bourges comme député, mais était né dans le Var, à Pourrières, le 30 octobre 1797. Il était né républicain, son père, avant de l’avoir vu venir au monde, ayant été assassiné par les réactionnaires royalistes. Il fut élevé par son grand-père et par sa mère, celle-là même dont George Sand a tracé dans son Simon, sous le nom de la paysanne Féline, un beau portrait délicieusement idéalisé. Après quelque temps passé dans l’armée, il se trouva très beau parleur, fit son droit, en donnant pour vivre des leçons de latin et de mathématiques, lia connaissance avec l’éloquent Manuel, son compatriote, avec Thiers, avec Mignet, provençaux aussi, et, sur les conseils de son camarade de l’Ecole de droit, Brisson, père de l’actuel président de la Chambre, il s’établit à Bourges comme avocat.

Il y réussit pleinement, plaida plusieurs affaires retentissantes, entre autres celle de la séparation de corps de George Sand, des procès politiques aussi, en très grand nombre, s’y maria, chercha à y devenir député, n’y réussit pas et se fit nommer par une circonscription de Niort en 1837. Il marqua sa place au Corps législatif, dans la session de 1838, par plusieurs discours importans. Il ne fut pas réélu en 1839 et resta simple avocat jusqu’en 1849. En 1849, il fut élu représentant par le Cher et par la Haute-Vienne.

Il arrivait très tard à une grande situation politique. Déjà et depuis longtemps du reste, il était fatigué. Plaidant le 23 avril 1849 devant la cour d’assises de la Vienne pour les insurgés de Limoges, il disait en commençant : « Messieurs, les luttes judiciaires, au grand criminel sont désormais au-dessus de mes forces : le temps et le mal m’ont brisé. J’apporte ici l’éclatant témoignage de mon zèle pour les accusés, qui sont tous mes frères et de mon impuissance pour la défense qui, grâce à Dieu, n’a plus besoin de moi. Si j’avais su que le moment arriverait où notre ami Bac pourrait prêter à la cause qui est la sienne à tant de titres le secours de sa parole,… je n’aurais point quitté la solitude de mon cabinet,… mais à l’appel des accusés de Poitiers, j’ai consulté mon devoir et non mes forces, je suis accouru ; me voici. »

Il ne s’en prodigua pas moins à l’Assemblée législative, surtout depuis que, par l’éloignement de Ledru-Rollin, il était