Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Chassanée, l’un des grands personnages de son temps, en ait fait un gros volume : Catalogus gloriæ mundi, si est-ce qu’il en a encore plus laissé qu’il n’en a dit[1]. » Tout le travail n’est pas du Tiers-Etat : il n’est pas tout entier dans le Catalogue de la gloire de ce monde. En marge du Tiers-Etat se tiennent les artisans qui ne sont qu’artisans, qu’ils soient d’ailleurs maîtres ou compagnons, patrons ou ouvriers. Le procès n’est pas clos encore sur ce point de fait : la distance entre le patron et l’ouvrier était-elle, autrefois, plus ou moins grande qu’aujourd’hui ? Un ouvrier pouvait-il plus ou moins facilement s’élever au patronat ? Les uns disent : oui ; les autres : non ; et il ne manque d’argumens ni pour ni contre. Mais peu nous importe. Car, non plus en marge, mais en dehors et au-dessous du Tiers-Etat, non organisés, presque non comptés, personnes viles, — à peine des personnes, — il y a un quatrième Etat, les gens de bras ou mercenaires. Et ce n’est pas une « classe, » puisque, précisément, ils ne sont pas « classés. » Mais de la conscience qui va se dégager en eux d’exister socialement, des moyens qu’ils vont acquérir d’exister politiquement, de l’idée qu’ils vont se faire de former une classe, el par-là même de leur tendance à en former une, de la conscience et de l’idée aussi que les autres classes vont avoir de la formation de celle-ci, de là va naître l’État moderne.


CHARLES BENOIST.

  1. Ch. Loyseau, Des Ordres, ch. I, Ordres du Tiers Estat.