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fois que les Espagnols ont eu à guerroyer dans le nord de l’Afrique. Les quelques postes qu’ils y occupent les ont obligés déjà à y faire d’assez nombreux débarquemens. Qu’on étudie leurs opérations antérieures et on verra que, à chaque fois, ils n’y ont pas envoyé moins de 40 000 hommes. L’effort actuel est un peu plus considérable, mais non pas beaucoup plus, et si on songe aux faibles résultats que les Espagnols ont obtenus dans le passé, il n’y a certainement pas à s’émouvoir, encore moins à s’alarmer de ceux qu’ils cherchent à s’assurer aujourd’hui. Après des expéditions très brillantes, où ils ont montré un courage admirable et où ils se sont couverts de gloire, ils ont conservé leurs positions et se sont fait payer des indemnités, voilà tout.

Qu’en sera-t-il de leur entreprise actuelle ? Nous n’en savons rien encore ; les Espagnols méritent certainement que ; leur effort soit récompensé par quelques résultats pratiques ; toutefois, c’est pure fantasmagorie de s’inquiéter dès [maintenant, soit pour le Maroc, soit pour la France africaine, des conséquences que peuvent avoir leurs victoires. Nous ne voudrions pas employer un mot trop dur, mais, en vérité, parler du danger que court Taza parce que les Espagnols sont parvenus, non sans peine, à Sélouan, est mettre à une pénible épreuve le bon sens de ceux qui ont regardé une carte. Avant que les Espagnols soient à Taza, nous avons le temps de réfléchir aux questions multiples que soulèverait une pareille éventualité. Que le général d’Amade ait cru ce dénouement vraisemblable et même prochain, cela fait sans doute honneur à sa vaillance ; mais, pour le gouvernement espagnol, les choses sont plus complexes. À quoi bon le démontrer ? Nous ne pourrions pas le faire sans avoir l’air de croire que la sincérité du gouvernement de Madrid a besoin d’être prouvée lorsqu’il proteste contre les intentions qu’on lui prête. Son ambassadeur à Paris, M. le marquis del Muni, les a qualifiées d’absurdes, et son ministre des Affaires étrangères, M. Allendesalazar, n’a pas été moins catégorique dans une conversation qui a été officieusement communiquée à la presse. Ce serait faire injure au gouvernement espagnol que de conserver un doute sur ses projets après des explications aussi claires et des affirmations aussi fermes. L’expédition de Melilla n’a pas d’autre but que Melilla. Personne en France, ni en Europe, n’a donc à s’en préoccuper.

Si on peut le faire quelque part, c’est seulement à Fez. Il est naturel que le sultan Abdul Hamid en éprouve de l’irritation et de l’impatience. Notre expédition dans la Chaouïa, celle des Espagnols dans le