Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/933

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’arrêtent et se taisent pour écouter, jusqu’à ce qu’elles aient repris les sons nouveaux (Parad., c. X). » Peut-être dansaient-elles accompagnées par la vielle, cet ancêtre des violes et des violons. Il est à noter que les plus anciennes pièces connues de musique instrumentale, écrites pour cet instrument, le sont aussi pour être dansées. On les nommait estampies (du vieux provençal estampida). Les danses chantées comprenaient les « rondeaux, balades et baleines. » Toutes les trois étaient exécutées par un soliste, « celui qui chante avant, » et par un chœur. Le rondeau, fondé sur un refrain de deux vers, contient le germe d’où va se dégager, au cours des âges, la pièce classique, à répétition et comme circulaire, qui portera le même nom. La balade, à refrain aussi, permettait plus de licences. Quant à la balerie, elle offrait le caractère d’un véritable scénario. De poétiques exemples en sont venus jusqu’à nous : le dialogue de la Belle Ælis et le jeu du chapelet fleuri. La balerie, on l’a dit joliment, « se dansait et se chantait des bras et des mains, » tellement le geste savait s’y unir à la voix.

Reverdies et pastourelles sont chansons des prés et des bois. Dans l’art des trouvères, elles constituent la part de la bucolique et de l’églogue. La reverdie évoque seulement le décor champêtre, un jardin, ou, plus souvent, un verger, où le poète, sous les pommiers en fleur, rêve, comme a dit M. Bédier, « le rêve d’une matinée de printemps. » Mais dans ce décor de bergerie, la pastourelle introduit la bergère. De ces chansons de la campagne, ainsi que tout à l’heure des chansons du château, la femme est encore l’héroïne et presque une héroïne semblable. Elle a mêmes aventures et mêmes amours. Soliloque à l’origine du genre, la pastourelle tourne au dialogue par l’arrivée du berger. Plus tard, le chevalier survient et l’histoire finit par le trio, que reprendra Mozart un jour, de Mazetto, de Zerline et de don Juan.

Wagner n’oubliera pas non plus un autre thème, un autre genre, qu’au XIIIe siècle on appelait celui des « chansons d’aube. » Coïncidence, ou plutôt présage singulier, celui-là semble avoir été pratiqué surtout par les Minnesänger, les trouvères allemands. En voici la donnée. Il fait nuit et les amans sont ensemble. Si grand est leur bonheur, que l’aube, sur le point de paraître, va les surprendre. Il faut, pour les avertir, une voix amie et vigilante… Vous devinez la suite, et déjà, n’est-ce pas, vous attendez, ou plutôt vous entendez l’avenir. Cette voix, au jardin de Vérone, ce sera celle de l’alouette. Quelques siècles encore, et, sous des bois plus sombres, ce sera celle de Brangaino, aussi fidèle, mais, hélas ! moins écoutée que celle de l’oiseau, Au moyen âge, c’était le veilleur de nuit, du haut d’une tour aussi, qui