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d’Orléans lui-même, Gaston, retiré à Blois, pût être à peu près considéré comme membre de la Compagnie, tant « il en avait tout l’esprit… » L’estime de ces grands personnages n’allait pas sans grands inconvéniens, car toutes leurs démarches étaient signalées à la police, riche en espions, de Mazarin.

Rien d’étonnant donc que le 28 mars 1658, il ait été résolu en la Compagnie de Paris que, pour se cacher mieux, « Messieurs seraient priés de n’amener avec eux que le moins de train qu’ils pourraient, qu’on n’écrirait plus aux groupes de province que des lettres sans suscription et sans signature, qu’on ne donnerait avis des morts qu’une fois par mois et qu’on ne députerait plus de membres de la Compagnie aux œuvres de charité publique. » Toutes ces précautions n’empêchèrent pas que, cette année même, la Compagnie ne reçût le premier des coups qui la désorganisèrent. Ce coup vint de Bordeaux[1], provoqué, ce semble, par des excès de zèle bien imprudens. Il était devenu « de notoriété publique » qu’il s’assemblait, dans cette ville, « une congrégation illicite de plusieurs personnes, privilégiées et non privilégiées, » qu’elle « décidait de la réputation des hommes et des femmes et envoyait dans les maisons des billets injurieux ou quelqu’un de ses membres pour troubler le repos des familles ; » même qu’« elle faisait enlever des femmes et des filles et les enfermait dans le couvent de Sainte-Magdelaine sans information, ni condamnation. » Par arrêt du 12 juillet 1658, le Parlement de Guyenne interdit à la supérieure du couvent de recevoir ces prisonnières, aux Jurats de prêter main-forte à ces arrestations arbitraires, « à toutes personnes, de quelle qualité et condition qu’elles fussent, de porter ni envoyer aucuns billets injurieux à la réputation… sous peine de punition corporelle ; » enfin de « s’assembler sans permission du Roi ou de la Cour. »

Ce fut à Blois, l’année suivante, que la Compagnie du Saint-Sacrement trembla. Les magistrats municipaux, voyant « qu’elle faisait souvent des coups de force et de grandes œuvres qui les surprenaient, se tourmentaient fort » pour démasquer ces « mystérieux » si puissans. La Compagnie pria les grands officiers du Duc d’Orléans de s’abstenir de la fréquenter, de peur que leur présence ne mît les magistrats blésois sur la piste. Et là encore il n’y eut pas d’éclat.

  1. . Cf. Arch. de la Gironde, série C, 3784, et Allier, la Cabale des Dévots, p. 347 el suivantes.