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dénommés par eux little englanders, par l’ampleur de leurs aspirations et la confiance dans le succès des procédés empiriques. Pour réaliser l’ordre de choses qui satisfera leurs désirs, ils ont une formule : créer ce qui manque, détruire ce qui gêne. Les intérêts, les sentimens, les circonstances de lieux et de faits, ne leur échappent pas, mais, répugnant à s’y adapter, ils les combattent ou les négligent ; et s’ils connaissent le mot de Renan : « Un établissement n’est solide que quand il a des racines historiques, » ils en méconnaissent assurément la haute portée.

Ceci était peut-être nécessaire à dire pour expliquer comment se termina la mission de lord Milner. De 1902 à 1905, il parvint à rétablir au Transvaal et dans l’Orange une administration régulière. Grâce à lui, l’ordre fut assuré, le crédit relevé, le fonctionnement des industries minières reprit son cours, les exploitations agricoles et pastorales se rouvrirent, les voies de communication furent réparées et améliorées. Ces heureux résultats paraissaient devoir lui mériter la reconnaissance des populations. Il n’obtint que leur estime. Son œuvre rencontrait des résistances. Les hostilités de race s’atténuaient, et pourtant les difficultés s’accumulaient devant lui. Questions de douanes, de budgets, de chemins de fer, de main-d’œuvre, d’immigration, se compliquaient, suscitant des objections, donnant lieu à des mécomptes. Les Boërs, chefs et paysans, continuaient à observer loyalement les clauses du traité de paix ; mais ils n’aidaient pas le Haut-Commissaire et semblaient attendre. Ils attendaient en effet. Chez les Anglais, les British-born, lord Milner trouvait plus de bonne volonté. Par malheur, certains gênaient son action par une altitude maladroite et d’absurdes exigences ; d’autres, plus nombreux, de plus en plus nombreux, s’abstenaient de soutenir sa politique. Même, sous le titre de Responsible government party, ils en inauguraient une autre qui, tout en restant indépendante de l’influence des chefs du parti boër, réclamait avec eux l’exécution des promesses de 1900 et de 1902, c’est-à-dire l’octroi d’une Constitution instituant un régime de self-government parlementaire.

L’élément d’origine anglaise ne compte d’ailleurs au Transvaal que pour le tiers environ de la population blanche et, dans l’Orange, à peine pour le cinquième ; encore est-ce la fraction la moins stable, la moins attachée au sol et la moins prolifique. En réorganisant les pays annexés dans un esprit et d’après des