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avec les Anglais, de leur persécution, disaient-ils. Protestant au nom du droit violé, ils rappelaient que, même en Angleterre, leur cause avait trouvé des défenseurs. Ils invoquaient le jugement porté par Froude, l’ami de Carlyle, condamnant, dans son Oceana, la conduite « injuste et imprudente » de ses compatriotes visa vis des burghers d’Afrique, et les paroles de Gladstone, déclarant lors de la première annexion du Transvaal, en 1877, qu’on n’avait pas le droit d’imposer par la force aux habitans d’une république une nationalité dont ils ne voulaient pas.

Plus vivante encore dans leur mémoire était la suite douloureuse des querelles suscitées après la découverte des gisemens d’or en 1886, s’accentuant en 1892 sous l’impulsion de Cecil Rhodes, s’aggravant en 1896 par le raid Jameson (à l’occasion duquel l’empereur Guillaume adressa à M. Kruger son fameux télégramme), en 1897 par le refus du gouvernement anglais d’accepter un arbitrage ; puis, se multipliant, pressantes, incessantes, lancées par la main nerveuse de M. Chamberlain : griefs des Uitlanders, lois sur les indigènes, sur l’alcool, sur la dynamite, tarifs de douanes et de chemins de fer, incidens ou accidens transformés en affaires d’État (l’affaire Lombard, l’affaire Edgar, l’affaire de l’amphithéâtre de Johannesburg)… Autant de prétextes à intervention. Enfin, la question des droits politiques des étrangers, prenant soudain la forme d’une mise en demeure impérative, rendant la guerre inévitable. Et plus tard, à la suite de l’annexion prématurée des deux républiques, en mai et septembre 1900, tandis que les Boërs tenaient encore, souvent avec succès, la campagne, on les avait traités, non plus en belligérans, mais en rebelles. Leurs maisons, leurs fermes, avaient été incendiées, leurs troupeaux confisqués ou détruits, leurs champs dévastés, leurs familles emmenées dans les « camps de concentration, » où l’administration anglaise, malgré de louables efforts, n’avait pu épargner aux non-combattans d’affreuses privations suivies d’une effrayante mortalité.

C’était plus qu’il ne fallait pour laisser au cœur du peuple boër des sentimens de haine qu’on devait croire irréductibles. Mais dans ce même traité constatant l’impuissance de l’adversaire à continuer la lutte, la nation victorieuse avait déposé le germe de l’apaisement. L’article 7 de la Convention du 31 mai 1902 contenait la clause suivante : « L’administration militaire dans les colonies du Transvaal et d’Orange sera remplacée aussitôt