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temps appliqués à les remplir ; mais ils savent aussi quelles difficultés rencontre auprès de ces populations primitives la conciliation des nécessités de l’ordre public et du progrès matériel avec l’exercice d’une tutelle bienveillante. L’appréciation de ces difficultés fut même une des causes déterminantes du mouvement unioniste. Fatiguées des fréquentes interventions du gouvernement britannique, mieux intentionné que renseigné, au sujet du régime des natifs, les colonies ont compris que seul un gouvernement central aurait une autorité suffisante pour écarter ces interventions, et mieux encore, pour les rendre inutiles. Seul en effet, il serait à même d’imposer des mesures impartiales, conduisant à la meilleure utilisation du travail des indigènes, tout en accroissant leur bien-être, les amenant peu à peu et, pour ainsi dire, par couches successives, jusqu’au rang de citoyens.

La réalisation de ce beau programme sera laborieuse ; mais l’expérience entreprise dans la colonie du Cap est plutôt rassurante. On y voit aujourd’hui deux millions d’hommes de couleur, dont ceux qui ne sont pas complètement illettrés et possèdent un établissement fixe jouissent des droits politiques, vivre à côté de six cent mille résidens de race blanche, soumis aux mêmes lois, et sans qu’aucun conflit entre les uns et les autres menace la paix publique.


II

Le mouvement fédératif qui vient d’aboutir dans l’Afrique du Sud ne concerne encore que les colonies autonomes. Son origine remonte à la guerre du Transvaal. Sans elle, il ne se fût pas produit. Il fallait qu’un seul drapeau le couvrît et le protégeât.

Lorsque, le 31 mai 1902, les Boërs écrasés par le nombre, après une lutte héroïque prolongée pendant trente mois, se virent contraints de « signer le revers » en acceptant le traité de Vereeniging, personne en Europe ne croyait à la possibilité d’une prochaine réconciliation entre vainqueurs et vaincus. Dans l’ardeur d’une résistance obstinée s’était plutôt aigri chez ces derniers le souvenir du « siècle d’injustice, » si vigoureusement décrit par M. F. W. Reitz, l’ancien ministre du président Krüger. L’histoire de ce siècle, — tout le dix-neuvième depuis 1806, — n’était aux yeux des Boers que celle de leurs conflits