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LE PRINCE DE BÜLOW.

nationaux libéraux, les conservateurs du parti de l’Empire, les agrariens eux-mêmes, sauf quelques exceptions, s’y rallient. Il ne reste plus qu’à triompher de l’obstruction de la Gauche. Pour cela, M. de Kardorff demande que les 946 articles du projet soient adoptés en bloc. C’est une nouvelle modification du règlement. Elle déchaîne des tempêtes qui vont jusqu’aux voies de fait. Les socialistes crient au coup d’Etat. M. Richter, sans approuver le vote en bloc, en impute la responsabilité à l’obstruction socialiste. Le gouvernement, sûr de son succès, s’abstient de participer à ce tumultueux débat réglementaire, où le tarif n’est plus qu’une occasion et où s’affrontent en une lutte suprême les forces de droite et les forces de gauche. Les injures volent de bancs en bancs. Les séances durent jour et nuit. La majorité cependant creuse son sillon. Le 2 décembre, elle fait voter le rejet de toutes les demandes de renvoi à la Commission et déclare recevable la motion Kardorff. Le 11, elle l’adopte par 184 voix contre 136 et vote en conséquence, par un scrutin unique, le tarif en seconde lecture. Le 13, elle entend le chancelier apporter son acceptation solennelle du tarif dans sa forme nouvelle et exprimer son espoir dans l’heureux renouvellement des traités de commerce. Le 15, à quatre heures du matin, elle adopte le projet en troisième lecture par 202 voix contre 100.

Cette lutte ardente, à laquelle succéda une période de calme plat et d’apparente indifférence, ne pouvait pas ne pas laisser de traces. D’abord, une fois de plus, le Centre catholique avait prêté au gouvernement un appui décisif et, par là, se resserraient les liens noués depuis longtemps déjà entre l’un et l’autre. Au Centre, le gouvernement impérial, redevable du vote de la loi Heinze, de l’augmentation de l’armée, de la création de la flotte, devait désormais le succès du tarif. M. de Bülow n’était point homme à méconnaître le prix de ce concours. Deux catholiques de marque, dont l’un lui avait rendu dans une affaire privée les plus précieux services, le comte Czapski et le prince François d’Arenberg, appartenaient à son intimité et étaient prêts en toute occasion à négocier les transactions. Transactions nécessaires, car les conservateurs et les nationaux libéraux ne suffisaient plus, même unis, à former une majorité. Les socialistes, en lutte ouverte avec l’Empereur depuis la mort de Krupp et les polémiques qu’elle avait déchaînées, étaient d’irréductibles adversaires. Le Centre au contraire, massif et discipliné, dominait