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convertir, sans risquer d’être mis à mort ? Partout, on vous répondra que non ! Si, après cela, on s’obstine à espérer que le triomphe de la libre pensée, en Orient, n’est plus qu’une question de jours, c’est qu’on a la foi robuste. Si l’on songe, au contraire, à tout ce qui couve d’effervescence fanatique autour de l’Europe, depuis la Mer-Noire et l’Anatolie jusqu’aux derniers caps du Maroc, on conviendra que nous sommes enfermés dans un cercle de haines qu’il ne dépend que de notre faiblesse de rendre dangereuses. M. Homais et ses amis se bouchent les yeux pour ne pas voir. Ils croient avoir « terrassé l’hydre du fanatisme. » Mais les tentacules de la bête s’allongent de toutes parts autour de nous. Le seul moyen que nous ayons d’être en sûreté avec elle, c’est de la réduire à l’impuissance.


II

Envisagées par l’extérieur, les religions orientales nous apparaissent ainsi comme des citadelles closes, dressées les unes contre les autres. En apparence, rien ne bouge, tout est calme aux alentours. Vues du dedans, elles nous donnent une pareille impression de silence et d’immobilité : cette inertie nous semble voisine de la mort. Il en est quelques-unes dont la sénilité a je ne sais quoi d’enfantin, qui nous les fait considérer comme irrémédiablement finies, devenues ridicules et inoffensives, à la manière des vieilles gens gâteuses qui radotent.

Le plus beau spécimen de ces religions tombées dans l’enfance caduque nous serait fournie peut-être par celle des Coptes orthodoxes.

A Louqsor, j’assistai à la messe de l’Ascension, dans leur église, qui est dédiée à Saint-Antoine et à Saint-Pacôme. En vain m’excitai-je sur les vertus de ces deux grands saints et sur le prestige littéraire du premier ; en vain essayai-je de me raccrocher à certains détails poétiques ou touchans de la liturgie, j’eus toutes les peines du monde à garder mon sérieux.

D’abord, je ne pouvais pas me croire dans un lieu chrétien A part les deux effigies de Saint-Antoine et de Saint-Pacôme qui décorent l’iconostase, tout me rappelait une mosquée : les nattes étendues par terre, les cloisons de bois découpées à jour comme des moucharabyés, les lustres chargés de cornets de verre, les œufs d’autruches, les boules de jardin, la coupole où pépiaient des