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LA MÊLÉE DES RELIGIONS EN ORIENT


I

Nous l’avons tous rencontré, ce Musulman sceptique, ce viveur aimable et souriant, qui, après un dîner généreux, jetait, devant nous, son tarbouch par-dessus les moulins. Si ce n’était pas à Constantinople ou au Caire, c’était à Londres ou à Paris. S’il n’était pas attaché d’ambassade, il était ministre, wali, ou, pour le moins, général de division en disponibilité. Invariablement, il nous a tenu le même langage, à nous braves gens d’Europe : « L’Islam ?… nous nous en détachons de plus en plus ! D’ailleurs, c’est la moins gênante, la plus simple et la plus positive des religions !… Oui ! qu’est-ce, au fond ? Un vague déisme, n’est-il pas vrai ?… Ce n’est pas cela qui empêchera votre science de marcher ! »

Ce petit discours tendancieux produit toujours son effet. Il y a tant de bonnes âmes qui ne demandent qu’à y croire ! Celui qui vous le débite et qui, d’ailleurs, peut être parfaitement sincère, ne vous l’adresse point sans intention. Il sait très bien qu’aux yeux d’un Occidental, la religion islamique est la pierre d’achoppement où viendra se briser toute tentative de progrès. Pour nous, il ne saurait être question d’une transformation générale du monde musulman, tant que l’esprit religieux de la masse ne s’y sera point modifié. Tout le problème est là ! Nous en sommes intimement convaincus. Et cependant, parce que la solution en est très ardue et très complexe, parce qu’elle met en jeu des