Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/818

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que je les avais quittées hier. Et pourtant quel hier ! Toute une monarchie a croulé, et moi, je ne suis bon qu’à finir.

« Je ne serai pas longtemps ici. On m’a rendu trop d’honneurs, ce qui m’oblige à trop de visites. Et puis, c’est surtout le mouvement de la voiture qui me fait du bien. Je continuerai mon voyage le long des côtes et reviendrai à Paris par Fervacques et Montboissier. Je n’espère presque plus avoir ici une lettre de vous. Je meurs pourtant d’envie d’avoir de vos nouvelles. Si vous comptiez mon amitié pour quelque chose, vous seriez assurée de guérir. Jésus, fils de Sirach, ne dit-il pas qu’un ami est la médecine du cœur ? Il a bien raison, et je vous dois le soulagement de beaucoup de peines de ma vie. »


Dieppe, lundi, 21 août. — « Vous êtes bien injuste. Depuis votre départ, je n’ai reçu aucune lettre de vous, excepté un mot où vous m’annonciez votre arrivée à Luxeuil. Je pouvais donc croire que vous vous trouveriez bien des eaux, ignorant qu’elles vous avaient fait mal. Je n’ose vous dire que le fond de votre santé est excellent. Vous ne voulez pas qu’on vous dise la vérité. Je ne suis « léger » en rien, et encore moins dans la vive et profonde amitié que j’aurai toujours pour vous, quoi que vous puissiez en penser. Je vous ai écrit régulièrement une fois par semaine, comme je vous l’avais promis. Puisque vous me donnez si rarement de vos nouvelles, je vais en faire demander chez vous. Si cela ne vous fatiguait pas, vous m’ôteriez une cruelle inquiétude, en m’écrivant un mot… »


Paris, 30 août 1820. — «… Je voudrais que vous ayez au moins assez d’humanité pour me faire savoir de vos nouvelles, ne fût-ce que par Mlle Paumier. Je n’ai rien à vous dire sur vos injustices. Si j’osais hasarder quelques consolations sur l’état de votre santé, vous les prendriez pour de l’indifférence et de la légèreté. Vos souffrances vous rendent cruelle, et vous vous plaisez à blesser alors ce qui vous aime le plus. Me voici revenu, j’étais mieux de santé. Cet air de la mer m’avait fortifié. Je vais retomber dans mes langueurs. Au reste, nous nous en allons tous. La monarchie touche à sa fin. Au moins, ce ne sera pas ma faute. J’ai assez averti, crié ; j’ai sacrifié mon repos et mon existence pour des gens qui ne veulent ni voir ni entendre. Maintenant, comme il plaira à Dieu !