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IV

En attendant que ce vaste, mais lointain espoir, devienne une réalité et que, depuis l’Orient jusqu’à l’Occident, confondus cette fois et rejoints de telle sorte qu’on ne sache plus à quels rivages en donner les noms, la lumière de l’Evangile se soit levée sur tous les peuples et les ait amenés à se comprendre, il reste à considérer une solution beaucoup plus modeste et uniquement locale, mais qui, à défaut d’autre, mérite pourtant qu’on y réfléchisse : je veux parler de l’atténuation qu’apporterait au conflit des deux races, sur la côte américaine du Pacifique, et spécialement en Californie, une prédominance plus marquée, un accroissement plus rapide, de la population blanche.

C’est le procédé même par où les États-Unis ont pu conjurer les menaces de la question noire, — le nombre des Blancs, grâce aux immigrans d’Europe, augmentant toujours en proportion très supérieure à celui des Nègres, bien que ceux-ci soient plus prolifiques. Il est vrai que, dans ce cas, l’on doit aussi tenir compte de l’infériorité intellectuelle, et qu’il n’en serait point de même pour les Japonais, aussi adroits, aussi laborieux, et moins dépensiers que les Américains ; mais c’est une raison de plus pour ceux-ci de maintenir et de développer autant que faire se peut leur avance numérique, incomparablement plus forte à l’égard des Jaunes qu’à l’égard des Noirs. Qu’ils accélèrent, dans les territoires qui commencent à être menacés, l’arrivée d’habitans de race blanche, et qu’ils y attirent par tous les moyens leurs compatriotes de l’Est ou les Européens. Arriveraient-ils seulement à maintenir par-là les proportions actuelles, qui, sauf pour Hawaï, sont encore excellentes, les dangers de l’immigration jaune se trouveraient presque conjurés, ou du moins ils resteraient réduits à ces inconvéniens et à ces ennuis qui ne peuvent pas troubler à fond la vie d’un grand peuple.

Si abondante qu’on la suppose ou qu’on la provoque, l’affluence des blancs ne saurait avant longtemps dépasser les ressources de tout genre que possède la côte Pacifique[1]. Les richesses du Washington et de l’Orégon sont encore presque neuves et apparaissent comme inépuisables ; le chiffre de 2

  1. Cf. Le développement des États du Pacifique, par M. Pierre Leroy-Beaulieu, dans l’Économiste français du 26 juin 1909.