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devantures. Mais une offre opportune de 550 dollars avait déterminé le chef des boycotteurs à ramener le calme. Fait un peu plus grave, quelques agressions furent commises dans les rues contre de notables Japonais, par des gens sans aveu ; elles provoquèrent un avertissement énergique de M. Roosevelt aux autorités de la ville, disant que, si elles ne savaient pas protéger les personnes et les biens des Japonais conformément au droit international, « l’entier pouvoir du gouvernement fédéral serait employé, dans les limites que prescrit la Constitution, à imposer promptement et énergiquement le respect des traités, loi suprême du pays, et à assurer au peuple d’une grande puissance amie le traitement qui convenait sur le territoire des Etats-Unis. »

Les deux années suivantes furent plus calmes, peut-être parce que les syndicats ouvriers de San Francisco, s’ils conservaient leur hostilité contre la main-d’œuvre japonaise, étaient un peu moins maîtres d’inspirer des actes vexatoires, n’ayant plus dans leur dépendance comme précédemment l’autorité municipale. Mais la ligue d’exclusion des Asiatiques n’en continua pas moins de se développer en Californie, parallèlement à celles de l’Orégon, du Washington et de la Colombie Britannique ; et, dans une convention tenue à Seattle au mois de février 1908, elle fusionna avec elles toutes sous le nom de ligue d’exclusion nord-américaine. A l’instigation, sans doute, de cette puissante association, les premières semaines de 1909 devaient voir se reformer tout d’un coup l’orage, et cela, au moment où il semblait qu’on dût le moins s’y attendre : quand la grande flotte du périple mondial allait reprendre ses quartiers dans les eaux de l’Atlantique, et juste après que les gouvernemens de Washington et de Tokio avaient signé un accord pour supprimer entre eux toute cause de difficulté.

Il importe d’insister sur cette dernière coïncidence. Elle fait clairement ressortir, d’une part, la profondeur d’un conflit qui se manifeste ainsi entre les peuples dans le temps même où les gouvernemens concluent des ententes publiques, et d’autre part, à ne s’en tenir qu’à l’aspect américain de la question, la gravité intérieure d’une situation qui oppose si nettement le pouvoir fédéral et l’opinion publique de plusieurs Etats. S’il arrivait jamais, — on n’en est point là, — que Washington dût recourir à la force pour imposer aux Etats de l’Ouest le respect de ses traités, ou bien laisser le Japon sous le coup d’une de ces