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arbres dont elles recouvrent toutes les branches, puis, en retombant, elles retrouvent d’autres jets de vigne qui descendent de l’arbre voisin avec lesquels on les rattache, ce qui forme, d’arbres en arbres, des festons chargés de feuilles et de fruits. Il n’y a point de décoration d’opéra plus belle, ni mieux ornée qu’une pareille campagne. Chaque arbre, couvert de feuilles de vigne, fait un dôme de pavillon duquel pendent quatre festons qui s’attachent aux arbres voisins. »

Mais voici Bergame qui paraît à un coude du chemin. La vieille cité se dresse dans la lumière blonde avec sa ceinture de remparts rappelant son passé guerrier, le temps de la ligue lombarde et des luttes contre Milan. Philippe-Marie Visconti la céda, en 1428, à Venise qui la garda sous sa domination jusqu’en 1797, sauf pendant les quelques années où elle appartint à Louis XII, après Agnadel. Durant près de quatre siècles, elle connut ainsi la paix et la prospérité. On s’étonne que, si près de Milan, elle soit restée si longtemps au pouvoir de Venise ; mais on comprend aussi l’orgueil de François Foscari qui, du haut du campanile, par-delà l’admirable panorama du grand canal, de la lagune et des îles reposant dans une poussière lumineuse, pouvait contempler, avec la joie du possesseur, les rives de la plaine immense où il devinait Trévise, Padoue, Vicence, Vérone déjà serves, et, plus loin, les nouvelles soumises dont il venait de doter la Sérénissime République, Bergame et Brescia. Qu’elle est émouvante la destinée de ce doge qui, après avoir épuisé les ivresses de la gloire et de la popularité, en connut toutes les amertumes, dut condamner et exiler lui-même son fils, puis abdiquer, et mourut, d’une congestion subite, en entendant sonner les cloches qui appelaient Venise au mariage de son successeur avec la mer !

La nouvelle ville s’étale dans la plaine, entre le Brembo et le Serio, affluens de l’Adda. Elle n’offre rien de particulier. L’ancienne foire de la Saint-Alexandre qui dure un mois, de la mi-août à la mi-septembre, et où, pendant des siècles, se vendirent les plus beaux draps d’Italie, est bien déchue de son ancienne splendeur. La fiera est terminée, et les marchands démolissent leurs mobiles étalages. Bien n’est plus amusant que de regarder vivre ce peuple exubérant que Bandello nargue déjà dans ses Nouvelles. Il est un peu grossier et vulgaire, comme leur danse bergamasque, comme la musique de leur Donizetti. Tous ces