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voulu revoir, cette année, pour me faire une idée plus complète de l’artiste. Si l’on peut y relever quelques négligences et quelques lourdeurs, on ne saurait trop admirer la noblesse des attitudes et surtout le coloris où domine le beau jaune qu’il affectionnait et qui se fond si harmonieusement avec les dorures de la voûte et des piliers. A côté d’elles, les célèbres compositions de Pordenone paraissent noires et déclamatoires ; elles font l’effet de tableaux. Romanino au contraire possédait au plus haut point l’art de la fresque. On peut s’en rendre compte ici même, à Brescia, soit à la chapelle Corpus Domini de San Giovanni Evangelista où il rivalise sans désavantage avec le Moretto, soit au Musée où l’on a transporté deux fresques qui ornaient le réfectoire du monastère de Rodengo. Sauf l’attitude un peu disgracieuse de la Madeleine (que l’on retrouve d’ailleurs dans une peinture de l’église Saint-Jean et dans un Moretto de S. Maria Calchera), la composition est puissante ; mais c’est vraiment par le coloris qu’elles triomphent et produisent cet « effet extraordinaire » dont parle Burckhardt. Près d’elles, les toiles de l’artiste pâlissent un peu ; pourtant il faut mettre à part le tableau d’autel de San Francesco, page magistrale qu’il peignit assez jeune, à son retour de Venise. On y sent l’influence du Titien. Le cadre somptueux qui l’entoure ajoute encore à l’impression que donne cette œuvre où la beauté des formes rivalise avec l’éclat des couleurs.

A côté de ces deux maîtres, les autres peintres brescians me semblent bien inférieurs, et je m’étonne que l’on mette parfois Savoldo presque au même rang. C’est un artiste secondaire dont les paysages et les effets de lumière ont seuls quelque intérêt. D’ailleurs, sauf la naissance, rien ne le rattache particulièrement à Brescia où il est à peine représenté. Il ne se dégagea jamais de l’influence de Venise où il travailla longtemps ; il n’a aucune personnalité. Il n’est pas plus à noter qu’un grand nombre d’élèves du Moretto et de Romanino qui créèrent un centre artistique assez important pour qu’un historien ait pu écrire : « Brescia, pour le milieu du XVIe siècle, est bien supérieure à Florence. »

Ce qui est curieux et regrettable, c’est que l’on connaisse si peu ces écoles du Nord de l’Italie. Le mal vient de ce que, pendant longtemps, la critique délaissa l’art vénitien et les écoles qui s’y rattachent au profit de Florence et de Rome. Elle