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de Sienne et Saint Louis de Toulouse, l’autre Saint Bonaventure et Saint Antoine, sont également bien insuffisans. A les regarder avec attention cependant, on est séduit par les physionomies calmes et largement rendues, les attitudes nobles et tranquilles, les draperies harmonieuses et sobres qui donnent à l’ensemble une simplicité et une unité d’aspect que l’on trouve assez rarement chez les peintres de l’époque.

A Brescia, au contraire, il est facile de suivre pas à pas l’artiste dans son développement. La ville est comme une galerie de ses peintures. Toutes les églises en renferment et l’une d’elles, Saint-Clément, est un véritable musée des œuvres du Maître qui y dort son dernier sommeil. Quant à la Pinacothèque Martinengo, le Moretto garnit presque à lui seul la salle principale ; on peut compter jusqu’à quatorze de ses tableaux ; et, cette année, le gardien m’en a montré un quinzième qui provient de l’Institut Sainte-Zitta.

L’exposition consacrée au Moretto, qui eut lieu à Brescia, en 1898, contribua à faire connaître son nom. On put établir un catalogue de 70 œuvres, provenant presque toutes de la ville même ou des environs immédiats. Beaucoup, faute de place, furent laissées de côté. C’est ainsi que n’y figurait par l’adorable tableau du sanctuaire de Paitone, la Vierge apparaissant à un sourd-muet.

Le coloris gris argenté, dont parlent tous les critiques d’art, est, en effet, l’une des caractéristiques du Maître, surtout à la fin de sa carrière. On s’en rend compte quand on peut le comparer à d’autres, par exemple à l’Académie de Venise ou même à San Giorgio in Braida de Vérone qui est un peu comme un musée des écoles du Nord-Est de l’Italie : sa très belle Sainte Cécile a une coloration tout à fait particulière. Pourtant, il ne faut rien exagérer, et on retrouve ce gris argenté chez Romanino, son maître et rival, et chez quelques peintres de la région. Cette année même, je l’ai remarqué chez Girolamo de Trévise, dans deux tableaux de la galerie qui précède la célèbre chapelle Malchiostro.

Du reste, le Moretto vaut par ailleurs. Après plusieurs heures passées à la Pinacothèque, je me suis efforcé de dégager quelques idées d’ensemble sur son œuvre. Deux qualités très nettes m’ont apparu.

Tout d’abord, le peintre possède au plus haut degré le talent