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elle se termine à Rome. « Il y a un an aujourd’hui, écrit-il, que j’ai quitté Carlsbad : quel jour mémorable ! C’est l’anniversaire de ma naissance à une vie nouvelle. Je ne puis calculer tout ce que j’ai gagné pendant le cours de cette année ; et cependant je ne fais que de commencer à comprendre… » Sa joie déborde à chaque instant dans ses lettres et dans ces élégies romaines où il mit tant de lui-même. « Que je suis heureux, s’écrie-t-il au début de la septième, lorsque je pense aux temps où, dans le Nord, un jour grisâtre m’enveloppait, où le ciel trouble et lourd s’appesantissait sur ma nuque ! » Il a trouvé la joie et la paix intérieure. Les écailles, comme il dit, lui sont tombées des yeux. Il s’est trempé aux sources mêmes de la Beauté. Désormais, son œuvre prendra une signification plus haute ; elle sera la seule œuvre allemande classique au dire de Nietzsche. N’est-il pas émouvant de penser qu’elle n’aurait peut-être pas vu le jour si Gœthe n’avait pas connu la lumière des cieux latins et les monumens de Palladio ?


IV. — LE LAC D’ISEO

De même que l’attrait de Venise fait délaisser les cités qui s’échelonnent sur la route de Milan à l’Adriatique, de même l’attrait des grands lacs italiens fait négliger le délicieux lac d’Iseo qui est une sorte de résumé minuscule de tous les autres. Il a des coins de végétation aussi luxuriante que les lacs de Côme ou de Garde, des sites plus sauvages que celui de Lugano, et, comme le Majeur, un fond grandiose de montagnes avec les cimes neigeuses du massif de l’Adamello, le Pian di Nive et les glaciers de Salarno. Si petit qu’il soit, il s’offre même l’originalité d’une île, la plus vaste île lacustre de l’Italie, avec un pic de 500 mètres.

En quittant Vicence, j’ai voulu revoir ce lac où flotte un peu de l’âme française. Sur ces rives « dont les abords, dit-elle, sont doux et frais comme une églogue de Virgile, » George Sand promena quelques jours ses rêves tumultueux et mit un peu d’elle-même, beaucoup peut-être, dans l’histoire des malheureuses amours du jeune prince Karol de Roswald et de la comédienne Lucrezia Floriani.

Mieux qu’au printemps, malgré la merveille des fleurs et des allées des jardins toutes chantantes des azalées épanouies, c’est