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sans ornemens. Le double étage de portiques qu’il imagina répond entièrement au but à atteindre et constitue en même temps un ensemble d’une harmonie et d’une noblesse parfaites. On ne conçoit pas concordance plus absolue entre le nouveau revêtement et les piliers intérieurs qui soutiennent la première construction. Qui ne saurait l’histoire du monument ne pourrait avoir l’idée que les façades actuelles n’ont pas toujours constitué son aspect extérieur. Les arcades reposent sur de sveltes colonnes accouplées qui augmentent l’ouverture et donnent plus de légèreté à l’ensemble ; elles sont doriques à l’étage inférieur, ioniques au supérieur, avec entablemens conformes, suivant la formule favorite de Palladio qui lui a pour ainsi dire donné son nom ; pendant longtemps on n’en voulut point d’autre : on la retrouve partout alors, même dans les constructions imaginées par les peintres, comme dans le Repas chez Lévi de Véronèse, par exemple, où l’architecture tient tant de place.

Plus encore que le Théâtre Olympique et la Basilique, la Rotonde séduisit Gœthe.

On s’y rend par la belle promenade qui est l’une des attractions de Vicence, vaste avenue ombragée de splendides marronniers, bordée par un portique de sept cents mètres de long, qui s’élève sur le flanc du Monte Berico et se termine au point culminant, devant l’église de la Madonna del Monte. Dans les murs, de loin en loin, des fenêtres s’ouvrent, avec des échappées merveilleuses sur la ville et sur les collines où tombèrent, en 1848, les héroïques compagnons de Danielo Manini. Les gens du pays font l’ascension à des d’âne ou dans d’étranges petites voitures dont les banquettes fixées au milieu semblent, à vide, deux pauvres canapés qu’emporterait un déménageur. A mesure que l’on monte, la vue s’étend sur la plaine du côté de Bassano et de Padoue, vaste nappe verte, couverte de vignes, d’où émergent les quenouilles noires des hauts cyprès et les campaniles des plus proches villages. A mi-côte, au carrefour d’une autre voie, la route forme un coude et s’arrondit en une sorte de terrasse d’où l’on a un splendide panorama de Vicence avec sa mer de toits rouges que dominent le dôme de la cathédrale, la masse grandiose de la Basilique dont on aperçoit très nettement la rangée d’arcades supérieures et l’élégante silhouette de la tour qui semble veiller sur la ville comme le beffroi des cités flamandes.