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CITÉS ET PAYSAGES DE HAUTE-ITALIE


I. — LA DESCENTE DU BRENNER

De toutes les voies ferrées qui traversent les Alpes et descendent sur l’Italie, il n’en est pas de préférable à celle du Brenner. Stendhal qui, au cours de ses Promenades dans Rome, se demande quelle est la meilleure manière d’aller de Paris en Italie, hésite entre le Simplon, le Gothard, le Cenis et même la route de Nice à Pise par Gênes. Il ne parle pas du Brenner et se décide pour le Simplon, qui mène, plus vite, dit-il, au bord du lac Majeur, vis-à-vis des îles Borromées. Mais aujourd’hui la question ne se pose plus ainsi. Quand nous venons par le Simplon, le Cenis ou le Gothard, nous sommes toujours trop pressés pour prendre encore les vieux chemins des diligences et, dans notre hâte fiévreuse, les express les plus rapides nous paraissent même trop lents. Que de fois, brûlant les stations, ayant à peine le temps de courir d’une portière à l’autre pour contempler les bords sauvages de la Doire Ripaire, le pittoresque val d’Ossola ou les sites grandioses du Tessin, je me suis promis de revenir et de refaire lentement, une à une, chacune des étapes de ces routes illustres et désertées ! Les plaisirs trop brusques sont incomplets, et l’on savoure mal la joie de retrouver la douceur italienne lorsque, au sortir d’un long et pénible tunnel, les yeux, à peine réhabitués à la lumière, reconnaissent déjà les faubourgs de Turin ou de Milan., Par le Brenner au moins, on peut, avec quelque imagination, se figurer que l’on suit l’ancien chemin des piétons et des voitures, l’antique voie romaine Claudia Augusta : le train, qui la longe constamment, monte tout tranquillement jusqu’au col même du Brenner, comme autrefois les diligences, et descend