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nous avons réuni, dit-il, l’Alsace-Lorraine à l’empire allemand, c’est que l’expérience de longs siècles nous contraignait à protéger notre frontière de l’Ouest. Sitôt que la situation politique de l’Empire devient ou semble devenir menaçante, cette question se présente à nous : Sommes-nous protégés à l’Ouest ? Ce souci impose actuellement au gouvernement de ce pays des obligations spéciales qu’il doit remplir. » Il se hâtait d’ajouter qu’à ces obligations devait se joindre le soin de l’activité spirituelle et matérielle et que, pour cela, il fallait compter sur la collaboration confiante de la population. Hohenlohe avait gardé auprès de lui Studt et Puttkamer, ce dont le félicita Guillaume Ier qui lui dit à propos de l’émotion suscitée en France par les condamnations à Leipzig de quelques membres de la Ligue des Patriotes : « Ce sont de bien fâcheux voisins ! » Le chancelier était plus décidé que l’Empereur à des mesures énergiques. Il conseillait au statthalter de ne point craindre de sévir contre les fonctionnaires de l’Alsace-Lorraine qui refuseraient de collaborer ouvertement à sa politique.

Dans l’intervalle était survenue l’affaire du commissaire de surveillance Schnæbelé, arrêté à Pagny le 20 avril 1887, ce qui n’était en réalité qu’une manœuvre de Bismarck propre à amener la guerre entre les deux pays, manœuvre qui fut arrêtée par la volonté même de l’Empereur, et par l’attitude énergique de la France. Des exaltés auraient voulu faire prendre en Alsace des mesures arbitraires propres à exciter de nouveaux troubles, comme l’interdiction de parler français imposée aux conseillers généraux. « Nous ne pouvons nier, dit à ce propos Hohenlohe, que nous n’ayons eu une année assez agitée. Qu’on se rappelle les élections, le procès contre la Ligue des Patriotes, les expulsions, les perquisitions, les permis de séjour pour les Français, les permis de chasse, l’affaire Schnæbelé, etc. Or, si quelque nouveau conflit venait à éclater avec les conseils généraux, les affaires d’Alsace redeviendraient l’objet de l’attention générale et je craindrais qu’on ne dit alors : Impossible de ramener le calme dans ce pays. Le statthalter n’entend rien au gouvernement. On voit bien qu’il ne sait pas s’y prendre avec les gens !… De pareils jugemens se font tous les jours ; je le sais bien de longue date ; aussi, je considère comme un devoir de simple conservation de ne pas alimenter ces attaques parce qu’il n’y a pas nécessité absolue. » C’était le langage du bon sens.