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« Les élections ont mal tourné, écrit-il le 25 février, et il n’est question dans le monde des fonctionnaires que de savoir comment donner satisfaction au sentiment national allemand blessé par ces manifestations de sympathies françaises. L’un voudrait suspendre la Délégation, l’autre enlever aux Alsaciens-Lorrains le droit d’élection au Reichstag. » Le statthalter n’était pas de cet avis. Il fallait, suivant lui, éviter tout arbitraire, se montrer inflexible, mais juste, en évitant les coups d’État. Les hauts fonctionnaires et les officiers étaient au comble de l’irritation. Hohenlohe en informait ainsi le chancelier : « L’opinion publique en Allemagne et les Allemands immigrés ici imputent volontiers l’échec des élections au gouvernement des pays d’Empire. » Le statthalter était averti secrètement que les généraux travaillaient contre lui et que Bismarck méditait de bouleverser son administration et de partager l’Alsace-Lorraine en donnant un morceau à Bade, un second à la Bavière, un troisième à la Prusse.

Hohenlohe alla conférer avec Bismarck sur la situation de l’Alsace-Lorraine et il convint, d’accord avec lui, des mesures suivantes : « Dissolution des associations. — Ordonnance concernant les conditions de séjour des officiers français et de tous les Français. — Expulsion des agitateurs. — Réglementation des passeports. — Création d’une police politique et nouvelle répartition des cercles. — Choix des maires en dehors du Conseil municipal. — Répression et interdiction des journaux dangereux, français et autres. — Défense d’affermer les chasses aux étrangers. — Démarches à faire auprès du Vatican au sujet de l’éducation française du clergé. » L’Empereur, mis au courant des desseins de Bismarck relatifs au morcellement de l’Alsace-Lorraine et au remplacement du statthalter par un président supérieur, s’y opposa nettement. « Cela n’a pas de sens, dit-il, de vouloir tout bouleverser simplement parce que les élections ont eu un mauvais résultat ! » Hohenlohe fit savoir au chancelier qu’il ne voulait pas regagner Strasbourg réduit au rôle de simple figurant, ou de simple donneur de dîners, tandis que le gouvernement effectif serait ramené à Berlin. Il savait que Rottenbourg et que Bœtticher voulaient l’évincer et faire de Berlepsch le président supérieur. Hohenlohe se décida ensuite à voir l’Empereur et à le mettre au courant de tout. Il le rallia immédiatement à ses idées et déjoua les plans de ses adversaires. Un mois après, dans une allocution aux vétérans de Buchsweiler, le statthalter parla à cœur ouvert : « Si