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une table ronde, soi-disant table à toilette, garnie d’objets hétéroclites, les ustensiles de toilette étant épars sous les meubles. Et la porte ne ferme pas !

Mme Ange n’a pas de lit. Elle couche sur un matelas, posé à même le parquet. Et la dame de Salonique couche aussi sur un matelas, dans le salon. Les matelas sont nomades. Ils émigrent de pièce en pièce, selon la fantaisie de la dormeuse.

Les deux serviteurs, — la vieille pantalonnée ne compte pas, — adorent leur maîtresse qui les traite avec bonté. La petite esclave fait un service qui n’épuisera pas ses forces, prématurément ! Elle se traîne, musarde, chantonne et rit à propos de tout. Comme les couturières, animées d’un génie infernal, ont imaginé des corsages qui s’agrafent dans le dos, je ne puis me passer de la collaboration de cette jeune personne dont jamais, jamais je ne prononcerai convenablement le nom ! Nous nous entretenons par gestes, et quand je lui demande du savon, elle m’apporte mes gants !

Le vieux cuisinier, — il a aussi un nom terrible, en ian, — est un artiste que j’apprécie beaucoup. Il triomphe dans la préparation des beureks au fromage et des artichauts à l’huile. La cuisine turque me plaît. Elle rappelle la cuisine provençale ou italienne, moins l’ail. Je n’ai de répugnance que pour le pilaf au sucre et pour les dolmas froides. Ces feuilles de vigne farcies de riz et de raisins, imprégnées d’huile, ne passent pas.


MARCELLE TINAYRE.