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appelons-la Mélek Hanoum, — a des relations partout, dans tous les mondes.

Avant de quitter Péra, j’ai souhaité visiter un hôpital de femmes. À l’hôpital et à l’école, mieux que partout ailleurs, on peut voir ce que la société fait pour la femme, et aussi de quelle manière et dans quelle proportion la femme contribue aux charges sociales.

La petite école d’Andrinople, si modeste et si touchante, m’avait édifiée, mieux que tous les livres ou articles spéciaux, mieux que tous les récits plus ou moins sincères, sur ce que l’on appelle ici l’instruction des filles, sur les capacités des institutrices qui ne savent presque rien, mais qui sont capables de tout apprendre. J’avais aimé la bonne grâce de ces jeunes femmes, la vive intelligence de leurs yeux, leur patriotisme profond et naïf, leur volonté de se perfectionner, de « faire quelque chose pour la pauvre Turquie. »

L’hôpital me révélerait ce que les hommes de ce pays entendent par l’assistance aux femmes, et quelle est la part de la femme dans cette assistance. Nous avons nos doctoresses, nos étudiantes en médecine, nos sages-femmes, nos sœurs de charité, nos infirmières laïques. Quelles femmes trouverais-je ici au chevet des malades ? Et si la religion et la coutume leur interdisent ce rôle de gardes-malades, qui est si nécessaire et si naturel, comment peut-on suppléer à leur présence et à leurs soins ?

Voulant me restreindre aux hôpitaux turcs, j’ai écarté de mon programme les hôpitaux de diverses nationalités et confessions chrétiennes, et j’insiste sur cette restriction pour prévenir les malentendus possibles et empêcher les généralisations fâcheuses.

On m’a conseillé de voir l’hôpital des Enfans de Chichli et l’hôpital Hasséki de Stamboul qui est spécialement réservé aux femmes et comprend une Maternité.

Je suis donc allée, avec M. Bareille, à l’hôpital des Enfans, hier encore hôpital Hamidié, création de l’ex-sultan, la seule bonne œuvre qu’il ait faite. Cet hôpital est situé presque hors de la ville, sur la hauteur de Chichli, dans un quartier sain et aéré. Tout à fait moderne, à l’allemande, il se compose de plusieurs pavillons isolés parmi les allées caillouteuses et les arbres jeunes d’un jardin sans ombre. Le soleil implacable tombe sur