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courage et vos avis, je compte en venir à bout. Adieu jusqu’à lundi soir, où nous nous verrons. — Louis. »

L’abbé de Véri, qui nous a conservé ces lignes, rapporte également l’impression qu’elles firent sur le vieil homme d’Etat ; il consigne dans son journal ce fragment du dialogue échangé, le jour même, entre Maurepas et lui : « Je commence, m’a-t-il dit, à l’aimer, comme on aime son enfant qui a bonne volonté. — Vous avez raison, ai-je répondu, il mérite de votre part les soins les plus tendres ; mais il ne suffit pas que vous lui ayez déjà inspiré ces sentimens, il faut lui donner les moyens et la force. — Les moyens, répliqua M. de Maurepas, ne sont pas embarrassans, mais la force, voilà le difficile. — C’est à vous, dis-je, à lui en donner, et à vous placer devant le Roi, pour aider la résistance, comme un chevalier loyal présentait son corps aux coups[1]. »

Si évidente pour tous fut, au retour de Reims, la faveur du comte de Maurepas, que Marie-Antoinette, mieux inspirée cette fois, crut nécessaire de se rapprocher du ministre. A quelques jours de là, elle lui accordait une audience, lui faisait le meilleur accueil, puis abordant de front la question délicate de l’exil du duc d’Aiguillon, elle laissait entendre avec grâce qu’elle ne confondait pas, selon son expression, « la conduite et les intentions de l’oncle » avec les torts graves du neveu, qu’elle était non moins persuadée de la « droiture » de l’un que de « la méchanceté et des manœuvres intrigantes de l’autre. » Maurepas, à ces avances, ne répondait qu’en protestant de son absolu dévouement ; et la conclusion de cette scène était une réconciliation, un accommodement, tout au moins, entre puissances rivales, une sorte de traité d’alliance, ni plus ni moins fragile que tous les contrats du même genre.


VII

En ce qui concerne Turgot, la bienveillance royale ne devait pas tarder à se manifester d’une manière plus retentissante, par l’appel au pouvoir du plus ancien et du plus cher ami du contrôleur général, Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, président de la Cour des Aides, nommé au ministère de la Maison

  1. Journal de l’abbé de Véri.