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services techniques, il ne fait pas l’affaire du Service. L’idée était fausse ; les résultats en sont factieux. Il y a certainement plus de « coulage » qu’autrefois, et si les écritures ne le dévoilent pas, c’est qu’il est, tout le monde le sait, un art de « faire cadrer. »

D’ailleurs, ce n’est pas tant le contrôle administratif qui importe que le contrôle technique, un contrôle s’exerçant fréquemment et à l’improviste sur tous les détails des travaux, avec, à la fois, indépendance et autorité. Est-ce trop demander que cela ; et ne voit-on pas que c’est par là surtout que pèchent nos méthodes ?

Et le commandement ?... Ah ! le commandement... c’est justement ce qui manque le plus dans nos arsenaux. On l’a voulu, du reste ; on a dit, on a répété, — et devant les commandés encore, — que le commandement, c’était l’ennemi. Et, du coup, personne ne commande plus. On fait encore un peu semblant, par contenance ; on fait le geste, pour sauver la face, comme les Chinois ; mais au fond, personne ne commande plus, que les syndicats, dont les chefs, quelquefois relativement avisés et raisonnables, obéissent eux-mêmes à des meneurs obscurs et d’autant plus violens.

Mais il y a remède à cela : les syndicats seront, un jour ou l’autre, réduits à l’impuissance par l’opinion soulevée, dégoûtée de leurs excès. Le pis, à mon sens, parce qu’il s’agit d’un système bien étudié, exactement suivi, c’est l’abaissement progressif du corps des officiers de marine[1], le seul que la nation connaisse, pourtant, le seul qu’elle rendra responsable des désastres de demain, le seul qui puisse et qui doive diriger la création et (‘entretien de la force navale, tout autant que la répartition, l’utilisation, la mise en jeu de cette force ; le seul, en un mot, qui doive commander. Et tant que cet abaissement systématique sera poursuivi, ou que, seulement, les choses en resteront où elles sont aujourd’hui, on aura beau dépenser de l’argent, disputer sur croiseurs et sur cuirassés, sous-marins et submersibles, noircir des tonnes d’imprimés, inspecter, contrôler, recenser, la Marine dépérira lentement, frappée de paralysie progressive, atteinte irrémédiablement dans sa moelle.


  1. Il semble que l’on sente bien, aujourd’hui, l’intérêt de s’arrêter sur cette pente. L’opinion exprimée dans ces notes, il y a quelques années, a trouvé à la Chambre d’éloquens interprètes, lors de la discussion du rapport de la dernière enquête sur la marine.