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de la surveillance du commissariat. Or, est-il sage, vraiment, de laisser les matières destinées à la construction neuve exclusivement entre les mains d’un constructeur que son intérêt particulier n’incite pas à l’économie ; et, pis encore, à la disposition d’agens subalternes (il en est ainsi dans la pratique) qui ont si souvent à parer aux conséquences de leurs propres malfaçons ?

Mais laissons de côté, un moment, le point de vue des constructions neuves. Comment n’a-t-on pas senti qu’en donnant l’autonomie aux directions, on fortifiait, on consacrait un particularisme funeste à la bonne administration des deniers publics ? — Autant de directions, autant d’arsenaux dans l’arsenal et dont les organes font double, triple, quadruple emploi. Villot en convenait avec moi, l’autre jour, lui qui fut l’un des plus chauds prôneurs de l’autonomie. C’était à propos de la distribution de l’énergie électrique qu’il faisait ce meâ culpâ relatif, et je lui signalais de mon côté, entre autres ateliers qui devraient être communs, les ateliers de dessin, de lithographie et de photographie dont le développement est si rapide et que chaque direction (constructions navales, artillerie, défenses sous-marines, travaux hydrauliques) dote si richement en matériel, en matières consommables et en personnel. Que d’argent perdu de la sorte[1] !

La division des magasins n’est pas moins fâcheuse pour la bonne utilisation de l’approvisionnement. Voici un fait récent : le service des défenses sous-marines de l’un de nos grands ports ayant un stock exagéré de caoutchouc, en offre une partie, à titre de cession, à la direction des constructions navales qui refuse, encore qu’elle ait besoin de caoutchouc, parce qu’elle préfère acheter des matières toutes neuves. Il en est constamment ainsi, malgré les objurgations du ministre, et il en sera ainsi tant qu’on n’aura pas rétabli le magasin central, géré par un administrateur indépendant des services d’exécution.

Mais qu’est-ce que prouve tout ceci, sinon qu’il faut à l’arsenal

  1. Les services de communications et de transports par eau, dans l’arsenal, devraient aussi être communs, et cela d’autant mieux qu’il existe déjà une direction des mouvemens du port parfaitement qualifiée, organisée et outillée pour cdi. Mais non ; chaque direction de travaux a ses chaloupes à vapeur, ses canots, ses baleinières, ses chalands, ses allèges, avec force outillage spécial et force personnel. M. Brisson avait, il y a quelque vingt ans, dans un rapport sur le budget de la marine trop oublié, signalé un abus qui entraine une déperdition considérable de matières et de main-d’œuvre.