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la tranche l, le tuyautage d’assèchement des doubles fonds, il est convenu avec l’ingénieur qu’on le fera disparaître. Le surveillant technique ne s’était pas avisé qu’il y aurait poche d’air et que les pompes ne pourraient aspirer régulièrement dans ces conditions.

4 novembre. — Vers une heure, un peu avant la reprise du travail, je me suis laissé entraîner par le tramway jusqu’à l’anse du fort Saint-Louis. Les grandes allées de platanes qui y conduisent ont encore presque toutes leurs feuilles, nuancées du jaune d’or au roux, et c’est merveille que cette longue nef de pourpre, au bout de laquelle on voit la mer bleue caresser, dans la douce lumière d’automne, des promontoires lilas.

Ce « bord de mer, » c’est toujours la plus charmante promenade de Toulon. On prolonge en ce moment la route carrossable qui ne dépassait guère, autrefois, les glacis du fort Lamalgue et le pittoresque perdra tout ce que va gagner le tramway. Mais il restera encore, jusqu’à la batterie basse du cap Brun et surtout jusqu’au délicieux port Méjan, un bon bout du vieux sentier de chèvres où nous courions, troupe joyeuse de collégiens et de fillettes, tantôt à la file indienne, escaladant les roches nues, dévalant à pic sur les varechs violets, et trempant nos pieds dans l’eau claire, tantôt deux à deux, par groupes qui s’espaçaient lentement, qui s’alanguissaient sous l’abri des chênes-lièges, des grands fusains et des plus maritimes…

Je n’aurai pas le temps d’aller si loin aujourd’hui : je m’arrête là, tout près, content de revoir ce gros bloc pentagonal du fort Saint-Louis, d’un gris antique si chaud, si harmonieux, et dont les robustes assises en quartiers de roc verdâtres, que Vauban jeta à quelque cent mètres du rivage, tendent leur des poli aux assauts des petites vagues turbulentes.

Depuis peu d’années un môle en pierre enclôt, au pied du Saint-Louis, un coin de mur où s’abritent les canots de pêche et les barques de plaisance des villas voisines ; et le vieux fort désarmé, couvrant de sa masse les jolies barquettes qui dansent sur le flot, fait penser à ces respectables gardiens de square qui veillent paternellement sur les ébats des petits enfans.

Je reviens à bord et je vois le commandant sur la passerelle de navigation, dont il trouve la longueur transversale insuffisante. Même en se penchant bien en dehors, on ne voit ni la ligne de flottaison du bâtiment, ni son extrême arrière, ce qui peut devenir fort gênant dans une manœuvre de rade. Malheureusement,