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« Nous sommes absorbés par les réparations, les retouches des bâtimens de l’escadre, par les refontes de navires démodés, de sorte que la construction neuve ne vient ici qu’en seconde ligne et que l’on n’a pas hésité, le cas échéant, à emprunter des équipes au d’Orvilliers pour hâter l’exécution de travaux qui paraissaient plus urgens que l’achèvement de cette unité. »

Voilà ce que l’on dit chez les ingénieurs, tout en convenant que le système est fâcheux qui fait choisir dans les constructions neuves plutôt que dans les refontes de vieux bâtimens le « volant de travail » d’un arsenal d’État, le chantier où l’on n’emploie la main-d’œuvre convenable que lorsqu’on ne saurait l’utiliser ailleurs.

En fin de compte, le d’Orvilliers ne sera mis en service que huit ans après l’ordre de construction. Huit ans, quand trois années suffisent aux Anglais et aux Allemands pour un navire de ce tonnage !...

29 juin. — La chaleur commence à donner sérieusement et cet arsenal du Mourillon qui fait face à l’Ouest en prend vraiment plus que sa part. C’est dans la darse Nord que le d’Orvilliers est amarré avec quatre lourdes chaînes. Cette darse communique par un petit canal avec les grandes fosses où l’on conserve dans l’eau de mer les bois de construction. Il y a quelque deux cents ans, à la place même qu’occupe le cuirassé, on avait embossé deux vieux vaisseaux pour battre le flanc gauche du fort Lamalgue, pressé vivement par les Impériaux. Ces deux batteries flottantes firent merveille dans la grande sortie des assiégés, le 15 août 1707 et leurs feux arrêtèrent tout net un retour offensif des bataillons du prince Eugène. Il faisait, ce jour-là, disent les chroniques, un bon mistral d’été : les étendards français claquaient joyeusement sous cette brise fraîche... Hélas ! aujourd’hui, il n’en est pas de même, et le soleil est accablant.

4 juillet. — Nos rapports avec le génie maritime sont fort bons. Nous n’avons, en particulier, qu’à nous louer de la cour- toise correction de l’ingénieur, M. Z***, chargé des travaux. Si j’en fais la remarque, c’est que, par nos fonctions mêmes et obligés de tout observer ici, nous pourrions aisément passer pour des « gêneurs. » Mais la considération du bien du service le souci de l’intérêt général couvrent tout.

Ce qui me frappe dans le service de notre ingénieur, c’est la somme de travail de bureau que cet officier est obligé de fournir,