Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/416

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L’ACHÊVEMENT À FLOT DU D’ORVILLIERS

19 juin 19… Toulon. — Mon intérim prend fin... Le commandant B*** est désigné, en même temps que deux lieutenans de vaisseau, l’un canonnier, l’autre torpilleur, pour suivre les travaux d’achèvement du d’Orvilliers, cuirassé que l’on construit ici. Le rôle de cet officier supérieur, rôle que la modestie de mon grade et la nature spéciale de mes fonctions ne me permettaient de remplir que fort imparfaitement, consiste à représenter auprès du service constructeur les intérêts de celui de la flotte armée en faisant bénéficier l’ingénieur de l’expérience de l’officier de marine dans tout ce qui touche l’aménagement nautique et militaire du bâtiment.

22 juin. — J’ai rendu compte au commandant B*** de la marche des travaux, qui n’est pas pour le satisfaire. La construction du d’Orvilliers a déjà subi de grands retards et on en prévoit d’autres. D’une manière générale, et contrairement à ce qui se passe d’habitude, les aménagemens intérieurs de la coque sont en arrière de beaucoup sur l’appareil moteur et sur l’artillerie. C’est que machines, chaudières et grosses pièces en tourelles ont été commandées à l’industrie. Or celle-ci a intérêt à « livrer » dans le plus bref délai possible, pour utiliser rationnellement son outillage et ses capitaux. Il s’en faut que l’Etat, le prodigue, l’insouciant Etat, se montre aussi actif. L’amortissement de son outillage ne le préoccupe guère ; ses actionnaires, — les contribuables, — ne réclament pas de dividendes... Tout au plus demandent-ils, timidement, un compte rendu annuel. Quant au personnel de ses usines, assuré du lendemain et, quelle que soit la lenteur de son allure, d’arriver à la retraite, ce but essentiel, cette fin dernière de l’existence de tout bon Français, pourquoi se hâterait-il ?