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seul fait qu’elles existent. Une anomalie de ce genre requiert toute notre attention. Dans tous les pays d’Islam, l’éducation moderne a été organisée par le pouvoir central, avec le concours ou sous la pression des Européens. Les populations l’ont acceptée avec plus ou moins d’empressement. En tout cas, elles n’ont eu qu’à s’incliner devant un régime scolaire qu’elles n’avaient ni voulu ni discuté. Ici, au contraire, tout est dû à l’initiative des particuliers. Nous sommes en présence d’une œuvre véritablement et purement musulmane. Voilà des gens qui, après mûre délibération, ont proclamé à la face de leurs coreligionnaires et tenté de démontrer par leur exemple, qu’il n’y avait de salut pour l’Egypte que dans l’adoption bien franche de notre culture et de nos méthodes. Ils ont même été plus loin que leurs pédagogues officiels : ils ont dit très haut qu’il ne leur suffisait pas d’une science mutilée, rapetissée aux élémentaires besoins de la pratique. C’est notre science tout entière qu’ils réclament !

Sans doute, une douzaine d’écoles, voire une université, sont bien peu de chose dans un grand pays comme l’Egypte. On peut se demander en outre si le zèle de quelques fervens prévaudra contre l’inertie de la masse pliée, de longue date, au joug de toutes les routines et de toutes les servitudes. Néanmoins, l’essentiel, aux yeux de l’observateur, c’est qu’une impulsion comme celle-là ait été donnée spontanément par des indigènes d’origine musulmane. De bons juges soutiennent que, si la masse est par elle-même fort indolente, au fond elle ne répugne nullement à suivre l’élite dans la voie toute moderne où elle s’est engagée. L’esprit égyptien serait, d’après eux, aussi perfectible que celui des peuples occidentaux. Et cependant ils ne s’illusionnent point sur ses défauts. Inapte jusqu’ici à généraliser, l’Egyptien, en vertu de son atavisme, est dominé par sa mémoire, qui trop souvent annihile en lui l’observation et le raisonnement. Il se complaît et se perd dans les menus détails, de même que les peintres et les architectes orientaux sacrifient constamment les grandes lignes d’un ensemble aux singularités et au fouillis de l’ornementation. Pour toutes ces raisons, il est beaucoup plus propre à la littérature qu’aux mathématiques et aux sciences en général.

Mais il convient de noter que cette infériorité provient peut-être de ce que la culture philosophique et scientifique lui a