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allemandes, par toute une collection de livres classiques. Si j’éprouve une surprise, ce n’est point qu’il y manque quelque chose, c’est que tout y soit dans un si bel ordre. Qui accusera encore l’incurie musulmane ?... Les cours elles-mêmes et les corridors ont été aussi scrupuleusement balayés que les salles de classe. Rien ne traîne. Les élèves, qui sont des enfans du quartier, des fils de boutiquiers ou d’artisans, ont une tenue très convenable. Encore une fois, n’étaient les tarbouchs, je pourrais me croire en tournée d’inspection dans une de nos écoles de chef-lieu de canton.

Et puis nous entrons dans la classe enfantine : on y récite le Coran. Ali-bey, le propre frère de Mustafa Kamel, qui a bien voulu m’accompagner, m’explique que c’est, ici, la base de l’enseignement, aussi bien que dans les écoles des mosquées. Seulement, on tâche de rendre cette récitation moins machinale, d’en nuancer le débit, d’en éclairer un peu le sens. Nous passons de là dans la section des moyens : un professeur égyptien y fait une leçon d’anglais. Explication d’une phrase écrite au tableau, définitions de mots, analyse grammaticale. Ailleurs, c’est une leçon de géographie. Des élèves sont invités à désigner des villes, des fleuves, des chaînes de montagnes sur la carte : ils s’en tirent assez bien. Je dévisage ces garçonnets et, à examiner leurs traits ou leur contenance, un soupçon me vient :

— Sont-ce de petits Musulmans ? demandé-je.

— Non ! celui qui vient de répondre est Copte !

— Et cet autre ? *

— Il est Israélite !

Sans doute, ce sont des Egyptiens tout de même. Et je comprends bien que si on les a interrogés, c’est qu’ils sont les coqs de leurs classes. Pourtant, dans cette école musulmane, j’aurais préféré entendre d’autres sujets brillans que des Chrétiens ou des Juifs. Je me console en admirant le libéralisme éclairé du fondateur qui, sans acception de race ou de religion, a tenté de réunir autour d’un même idéal patriotique tous les enfans d’un même pays.

Impression sommaire, évidemment ! Mais quel moyen de se renseigner avec plus de précision, quand on n’est qu’un hôte gracieusement reçu dans une maison privée ? D’ailleurs, je ne saurais trop y insister, la qualité de l’enseignement donné dans ces sortes d’écoles doit beaucoup moins nous intéresser que le