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l’Angleterre de réduire l’instruction des jeunes Egyptiens aux notions pratiques les plus indispensables, et, — cela va de soi, — de négliger totalement l’éducation de l’esprit national. D’après eux, cet enseignement officiel est tronqué, découronné : il n’admet ni le latin, ni le grec, ni la philosophie, ni les hautes études scientifiques et littéraires. Ce sont à peu près les revendications de nos Jeunes-Tunisiens. Au fond, je ne sais trop si les uns et les autres ont un goût bien prononcé pour toutes les beautés pédagogiques dont on les prive. Mais ils raisonnent fort congrûment. Du moment que ce sont leurs bourses qui alimentent les budgets de ces écoles et que la direction en est aux mains d’étrangers, ils prétendent en avoir pour leur argent et être traités par les Européens comme des Européens.

Conséquemment, le parti nationaliste s’est agité pour donner à l’Egypte un système d’éducation à la fois nationale et intégrale. Une université égyptienne est en voie d’organisation. Auparavant, grâce à l’énergique propagande de Mustafa Kamel, un certain nombre d’écoles privées se sont fondées un peu partout. J’ai eu la chance de pouvoir visiter celle qui a été fondée, au Caire, en 1889, par Mustafa Kamel lui-même. Est-il besoin de dire combien cette visite m’intéressait d’avance ? J’allais voir enfin ce que l’initiative musulmane livrée à ses seules ressources peut réaliser en fait d’éducation moderne.

Assurément, une école privée ne saurait rivaliser, pour l’ampleur et le confort des aménagemens, avec une école publique largement subventionnée par l’Etat. Néanmoins, je fus étonné des résultats si vite obtenus. Tant bien que mal, il a fallu adapter à sa nouvelle destination une vieille bâtisse nullement faite pour recevoir des écoliers. On y a très suffisamment réussi. A ne considérer que l’ensemble, cette école cairote ressemble à toutes les écoles européennes possibles. Même mobilier, même clientèle, mêmes costumes, sauf le tarbouch. Bref, tout le décor pédagogique moderne est planté, — et ce n’est pas là un point de si médiocre importance. Du cabinet du directeur, garni de bibliothèques, de sphères et de mappemondes (sans oublier l’inévitable tapis vert sur la table directoriale), on m’emmène à travers le logis, pour aboutir finalement au magasin des fournitures. On me met en main des ardoises, des cahiers d’écriture, dos cartables. On me fait constater que la célèbre librairie Hachette est représentée, à côté d’autres librairies anglaises ou