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« Oui, j’ai passé deux heures à dire : Je crois en Dieu. Je crois à mon âme éternelle. Je m’humilie dans ma faiblesse. Je désire tourner mon cœur vers tous les sentimens généreux. Je veux plaindre tous ceux qui souffrent. Je veux soutenir et consoler. Je veux pardonner à tous ceux qui m’attristent. Je veux me résigner à la souffrance (non pas à celle du corps, cela est facile, mais à celle de l’âme). Je veux être douce et courageuse envers elle. Je ne chasse aucune des émotions inséparables de la vie, il faut sentir pour vivre, il faut souffrir pour prier, il faut pleurer pour savoir parler aux autres. J’accepte toutes les tristesses de mon âme faible et agitée, mais, au milieu du trouble, je m’agenouille et je viens dans ce coin retiré songer que le Christ a dit : « Je vous donne la paix ! » Et demain, émue et confiante, j’obéirai aux lois de l’Eglise ; si je me trompe, n’ai-je pas du moins mis en activité les plus nobles sentimens de notre être ? N’est-ce pas vivre aussi comme dans ces heures consumées dans les regrets de l’impossible ? Et croyez-moi, cela ne dessèche pas le cœur ! Ah ! monsieur Cazalès, lui que vous aimez, où est-il ? où est-il pour joindre sa voix à la mienne ? Sait-il que vous dites : Je ressemble à ce chien ; je crèverai comme lui. » — Ces paroles sont tombées douloureusement dans mon cœur, et j’en ai souffert. Je ne sais ce que je vous écris, monsieur, et ne veux pas me relire. J’ai confiance dans le sentiment qui a conduit ma main. Vous ne rirez pas de cet épanchement d’une âme amie, qui voudrait vous donner ce qu’elle sent.

« Mille amitiés et à revoir ! »


A la même époque, toujours avec l’espoir de le retenir sur la pente où il glissait, les yeux tout grands ouverts, elle lui écrivait encore à propos de son livre sur Port-Royal :


17 octobre 1847.

« ... Ah ! plus vous avancez dans Port-Royal, et plus vous sentez qu’il y a bon nombre de personnes que vous blesserez. Voilà qui me désole. Il faut que l’esprit fasse un miracle et tienne lieu aux yeux de ces personnes de tout ce qui leur manquera du reste. Mais je ne veux pas plaisanter sur ce sujet. Votre talent, votre esprit supérieur sont hors de discussion. Toutefois, il y a des points de votre sujet où votre main sera téméraire, parce qu’elle est inhabile en pareille matière. Mettez