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UNE AMIE DE SAINTE-BEUVE

MADAME D’ARBOUVILLE
D’APRÈS SA CORRESPONDANCE INÉDITE

Il y a cinq ans environ, m’occupant des amies de Sainte-Beuve, je terminais ainsi le chapitre que j’avais consacré à Mme d’Arbouville :

« ... Il (Sainte-Beuve) a écrit quelque part au bas d’une page : « Mme d’Arbouville, une femme que l’avenir aussi connaîtra. » Peut-être pensait-il alors à la publication lointaine des lettres qu’elle lui avait écrites et qu’il gardait religieusement. Elles doivent être très belles, en effet, et quant à moi, je fais des vœux pour qu’elles voient le jour le plus tôt possible. C’est déjà trop que nous soyons à tout jamais privés de celles que Sainte-Beuve adressa à la divine créature dont il a dit, dans une heure de mélancolie et de suprême regret : « Le soir de la vie appartient de droit à celle à qui l’on a dû le dernier rayon[1]. »

Mes vœux ont été exaucés. M. Jules Troubat, que je ne saurais trop remercier ici, a bien voulu me confier les lettres de Mme d’Arbouville qu’il a héritées de son maître. Encore en manque-t-il un certain nombre. Oui, dans cette correspondance précieuse, il existe une lacune de cinq années au moins que je ne m’explique que d’une seule manière. En 1845, à la suite d’une brouille provoquée par le dissentiment auquel il est fait allusion

  1. Cf. notre ouvrage : Sainte-Beuve, son esprit, ses idées, ses mœurs, t. II, p. 169.