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LE PRINCE DE BÜLOW.

chage, » reprochées naguère à M. Delcassé, risquent désormais de se renouveler à Vienne. Pour les conjurer, le seul moyen est d’éviter avec de tierces puissances les conflits inutiles, qui placeraient l’Autriche en présence d’une option inquiétante. Hypothèse ? Non. Car, à diverses reprises, dans l’affaire marocaine, si l’Autriche est toujours et avant tout fidèle à l’alliance allemande, elle se montre sympathique à la France. En 1908, soit à propos de la reconnaissance de Moulaï Hafid, soit à propos des déserteurs de Casablanca, elle évite de confondre sa politique avec celle de l’Allemagne[1]. S’il naît un nouvel incident, cette différenciation, en se répétant, n’aura-t-elle pas l’apparence d’un relâchement triplicien ? Une considération aussi importante n’échappe pas au prince de Bülow et précise en lui d’anciennes velléités de conciliation. Il est mûr, à la fin de 1908, pour une politique de liquidation marocaine, qui, une fois résolue, passe rapidement dans les faits.

À vrai dire, depuis plusieurs mois déjà, il songeait à cette politique sans s’y attacher encore définitivement. Il en a fait en avril deux essais limités : le premier lors de la déclaration relative à la mer du Nord, — il avait voulu d’abord exclure la France de la signature de cette déclaration, et il avait fini par reconnaître son droit[2], — la seconde, lors du traité relatif à la délimitation du Congo et du Cameroun. La crise orientale une fois ouverte, il va droit à l’obstacle et c’est au Maroc qu’il cherche l’occasion du rapprochement souhaité. La déclaration du 9 février 1909 n’énonce rien de nouveau à considérer son texte. Par son esprit et par ses conséquences, elle est capitale. Elle consacre en effet l’abandon de « l’occasion » marocaine. Depuis 1905, l’Allemagne n’avait pas voulu renoncer à cette occasion : la menace devait rester suspendue sur notre tête sous la forme d’une question perpétuellement ouverte, au service des revendications générales de la politique allemande. En déclarant l’incident clos, en admettant après quatre ans la sincérité de nos engagemens économiques et la légitimité de nos intérêts spéciaux, le chancelier sous-entend qu’il n’a plus besoin du Maroc pour nourrir et soutenir la politique d’hégémonie.

Il accepte l’Europe telle qu’elle est, met le point final au réqui-

  1. Voyez la Revue du 1er  juillet 1908.
  2. C’est sur les observations de la Hollande et de l’Angleterre que fut reconnu à Berlin le droit de la France de participer à ce contrat de garantie.