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LE PRINCE DE BÜLOW.

tique extérieure, des années faciles et brillantes. Ei l’élévation de M. de Bülow au poste de chancelier de l’Empire apparaît en 1900 comme la juste récompense d’une activité féconde.

Si, durant cette période, l’horizon de la politique allemande s’élargit, ses instrumens ne changent point. L’Empire garde en Europe ses alliés. Une série de visites de souverains, — visites du roi Humbert en Allemagne (1897), de Guillaume II en Hongrie (1897), de François-Joseph à Berlin (1900), de Victor-Emmanuel à Potsdam (1902), de Guillaume II à Vienne (1903), — affirment la persistance des liens qui unissent les trois pays. M. de Bülow sait que cette alliance reste une nécessité et il la cultive avec art. Il affirme en toute occasion qu’elle est « en excellente santé[1]. » Il dit : « La Triplice est comme une forteresse en temps de paix. Les arbres, sur les glacis, poussent chaque année plus haut. Mais vienne la guerre que je ne souhaite ni ne prévois : la forteresse en un clin d’œil serait prête à la lutte[2]. » Sans doute, pendant la discussion sur le tarif allemand, l'allié autrichien et l’allié italien donnent tous deux des marques d’humeur. Mais n’est-ce point Bismarck qui a dit que la guerre douanière n’empêche pas l’alliance politique ? Effectivement, le 28 juin 1902, la Triplice est renouvelée, non sans que peut-être se soient modifiées, à défaut de ses clauses, les dispositions de certains de ses membres, — mais sans changement essentiel, sans diminution de l’autorité allemande, sans gain positif pour aucun des pays qui restent en dehors de la combinaison.

Qui d’ailleurs, à ce moment, menace l’Allemagne ? La Russie ? Elle est de plus en plus absorbée par ses ambitions asiatiques et se détourne de l’Europe. Joueur heureux, M. de Bülow voit le gouvernement du Tsar suivre tardivement le perfide conseil de Bismarck : « La Russie n’a que faire en Occident. Elle n’y peut gagner que le nihilisme et d’autres maladies. Sa mission est en Asie. Là elle représente la civilisation[3]. » Là surtout elle rencontre des obstacles qui la rendent en Europe incapable de tout effort. Son accord avec l’Autriche relatif au affaires balkaniques (1897) n’est que la constatation de cette impuissance. Chaque jour, elle s’engage plus avant en Extrême-

  1. Reichstag, 18 décembre 1897.
  2. Ibid., 12 décembre 1898.
  3. Bismarck, Gedanken und Erinnerungen.