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(25 juin). Cinq semaines après, le maréchal de Waldersee, placé à la tête de ce corps, devient, grâce à la supériorité de son grade, le chef de tous les contingens européens. C’est la mise en actes de la parole impériale : « Volker Europas, Verteidigt Ihre theuresten Güter. » Au Reichstag, certaines inquiétudes se font jour quant aux suites de cette politique retentissante[1]. M. de Bülow les dissipe dédaigneusement. Il refuse d’admettre, — ce qui est pourtant l’évidence, — que le break up of China inauguré par l’occupation de Kiao-Tchéou soit pour rien dans le mouvement boxer. Il affirme que l’Allemagne a la confiance des puissances, puisque le commandement en chef lui a été remis par elles. Il oppose à ceux qui la prétendent isolée sa présence à la tête du concert civilisé. Il marque une superbe foi dans les succès futurs de la politique mondiale. Et il organise l’audience du prince Tchoun chez l’Empereur, amende honorable du représentant de l’Asie aux pieds du représentant de l’Europe.

À peine l’affaire de Chine est-elle close que, sur d’autres terrains, s’affirme la vitalité allemande. Les vieux bismarckiens sont-ils choqués de cette dispersion de l’effort ? M. de Bülow profite de l’inauguration à Berlin du monument élevé à son prédécesseur pour proclamer, en disciple affranchi, qu’il n’y a pas de dogmes politiques immuables. Un jour, c’est en Afrique qu’il engage les finances de l’Empire en accordant la garantie d’intérêt au chemin de fer de Dar-es-Salam à Mrogoro[2]. Quelques mois après, c’est contre le Venezuela, mauvais payeur, qu’il provoque une triple action navale où la flotte allemande, appuyée par la flotte anglaise et la flotte italienne, procède comme entrée de jeu à un bombardement, dont s’inquiètent même ses associées. M. de Bülow professe qu’en vingt ans les conditions de la politique se sont totalement transformées : « Autrefois elles ne dépassaient guère les rives de la Méditerranée. Aujourd’hui, c’est l’univers entier qu’elles embrassent[3]. » Le « rat de terre » allemand, comme disait Bismarck, navigue maintenant sur toutes les mers. L’affirmation de son droit ou de ses prétentions s’impose à l’Asie comme à l’Amérique. Et partout le succès couronne ses initiatives. Ce sont pour le gouvernement impérial, pour le diplomate disert qui préside à sa poli-

  1. Reichstag, 19 novembre 1900.
  2. Ibid., 24 avril 1901.
  3. Ibid., 8 janvier 1902.