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Nul ne désire plus que nous qu’il y réussisse. Le gouvernement français aurait pu être, en de certains momens, tenté de soutenir le rogui et de se servir de lui. On lui a parfois conseillé de le faire, mais il ne s’est jamais prêté à cette politique équivoque, et, résolu à ne pas se mêler des affaires intérieures du Maroc, il s’est abstenu constamment de prêter son concours aux ennemis du Maghzen. L’infortuné rogui serait encore puissant, si nous l’avions voulu : nous avons cru avoir intérêt à ce que le Sultan fût fort. Il l’est aujourd’hui plus qu’hier : nous souhaitons que ce soit un bien pour le Maroc.


M. Georges Picot, qui vient de mourir, était un des plus anciens rédacteurs de notre Bévue. Nos lecteurs n’ont pas perdu le souvenir de ses travaux qui ont porté sur les sujets les plus divers. Après avoir débuté par le droit et par l’histoire, qu’il n’a d’ailleurs jamais abandonnés, M. Georges Picot s’est occupé de politique, d’organisation administrative et sociale, d’œuvres philanthropiques, avec une passion généreuse qui ne s’est jamais ralentie. Il a été une des intelligences les plus actives et, certainement, une des consciences les plus hautes de ce temps-ci. Peu d’hommes ont eu une vie plus utile, et se sont dépensés au service des autres avec un désintéressement personnel plus complet. On aurait pu le croire un théoricien parce qu’il croyait aux idées ; mais il était avant tout un homme pratique et, dans ses dernières années, il n’écrivait même que pour agir. Il laissera un grand vide partout où il s’était fait une place, notamment à l’Institut, et plus particulièrement à l’Académie des sciences morales et politiques, où il avait succédé à M. Thiers et dont il était le secrétaire perpétuel. Des hommes comme lui honorent les corps auxquels ils appartiennent ; ils honorent aussi leur pays. M. Picot aimait le sien ardemment et le servait avec tout son cœur enthousiaste. S’il a été bien souvent inquiet, alarmé, désolé de ce qu’il voyait autour de lui, il n’a jamais été découragé : il croyait qu’il y avait toujours quelque chose à faire pour le bien, et il le faisait. Sa devise aurait pu être : Laboremus. La mort l’a enlevé brusquement à sa famille et à ses amis. Il mérite une étude plus complète, et la Revue la lui consacrera : nous avons voulu seulement adresser aujourd’hui à sa mémoire un salut attristé et respectueux.


Francis Charmes.


Le Directeur-Gérant,

Francis Charmes.