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régime constitutionnel, exécutera les réformes nécessaires, non seulement en Macédoine, mais dans tout l’Empire. » Ici, nous comprenons moins ; les explications nous manquent. Nous ignorons quels sont les bons offices que les puissances ont offerts à la Porte et que celle-ci décline. Il semble, d’après cela, que, si les puissances ont une grande confiance dans le nouveau gouvernement turc et la lui témoignent, ce gouvernement en a en lui-même une encore plus grande. Ce n’est pas seulement la Macédoine qu’il s’engage à régénérer par des réformes, mais tout l’Empire, et il le fera avec ses seuls moyens, N’a-t-il pas un régime constitutionnel qui suffit à tout ? La Turquie fara da se, comme l’Italie le disait autrefois d’elle-même, La Turquie a peut-être raison, et nous souhaitons sincèrement que ses espérances se réalisent. La tâche est grande sans doute, et difficile, et laborieuse, mais elle n’excède pas les forces humaines, pourvu qu’elles soient conduites avec méthode et fortement disciplinées. En l’accomplissant, la Jeune Turquie peut être assurée de toute notre sympathie.


Au Maroc, la situation du Sultan s’est sensiblement améliorée ces derniers jours, et nous applaudirions à ses succès aucune satisfaction sans mélange, s’il n’avait pas déshonoré sa victoire par les cruautés qu’il a exercées sur ses prisonniers. Ces atrocités ont causé en Europe une réelle émotion ; elles ont fait horreur ; la France et l’Angleterre ont donné des ordres à leurs agens pour faire entendre au Sultan la protestation du monde civilisé, et on a parlé d’une démarche collective qui serait faite dans ce sens par tous les représentans des puissances à Tanger, Il faut espérer que nos protestations seront écoutées, sans toutefois y compter beaucoup. Rien n’est plus fort que les mœurs d’un pays, et celles du Maroc sont encore barbares. Moulaï-Hafid juge sans doute nécessaire d’inspirer de l’effroi à ses ennemis : nous craignons pour lui qu’il aboutisse seulement à les réduire aux dernières extrémités du désespoir, en les convainquant qu’ils n’ont rien à attendre de son indulgence ou de sa générosité. Singulier pays que le Maroc : nous devons renoncer à le bien comprendre. Tantôt l’aman, le pardon, s’y accorde avec une facilité extrême, et les pires brouilles n’y semblent jamais irréconciliables ; tantôt, au contraire, le vainqueur se montre sans pitié, et le vaincu périt dans d’effroyables supplices. C’est très vraisemblablement le sort qui attend le rogui, car il vient d’être pris après sa défaite, le massacre ou la capture d’un grand nombre de ses partisans. Ce sont ces derniers qui ont été torturés avec des raffinemens de férocité qui semblaient impossibles au temps où nous