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s’adressent leurs défis. Ce qui reste encore de la liberté d’enseignement est menacé. Sur ce terrain des batailles se préparent : suivant l’attitude qu’il y prendra, on saura définitivement si le ministère veut ou ne veut pas l’apaisement véritable. M. Delpech ne le veut pas, et il le prouve. Est-il, ou n’est-il pas le porte-parole du ministère ? Il faudra bien qu’on le sache. En attendant, les libéraux sont tenus de se réserver.

Nous ne demandons pas au gouvernement de reculer sur ce qu’il appelle les positions conquises, et que nous aimons mieux appeler les positions prises. La législation actuelle suffit, si elle est loyalement appliquée. Mais il y a une grande différence entre les discours de M. Delpech et ceux de M. Briand, et au milieu de ces discordances, on ne sait auquel il faut croire. Quand le saurons-nous ?


Le ciel s’éclaircit un peu du côté de l’Orient ; il serait plus exact de dire qu’il s’apaise, car il est encore très trouble ; mais les orages s’en écartent. Lorsque nous écrivions il y a quinze jours, la question crétoise était à l’état aigu : on se demandait ce qu’il adviendrait du drapeau grec arboré sur la forteresse de la Canée. Le gouvernement turc avait fait très nettement entendre qu’il ne tolérerait pas plus longtemps la présence de ce drapeau à cette place : il s’était même montré résolu à prendre directement des dispositions pour l’en faire disparaître. La flotte turque s’était rapprochée de l’île ; on pouvait, on devait craindre de sa part quelque entreprise qui aurait mis le feu aux poudres. Elle aurait eu lieu immanquablement si les puissances protectrices n’y avaient mis bon ordre, c’est-à-dire si elles ne s’étaient pas chargées de résoudre la question du drapeau. Mais comment s’y prendraient-elles ? Obtiendraient-elles que les autorités crétoises opérassent spontanément ? Devraient-elles, au contraire, intervenir elles-mêmes, et alors rencontreraient-elles, ou non, de la résistance ? Tous ces points d’interrogation se dressaient dans les esprits et y restaient alors sans réponse. On apprenait en même temps que la Turquie, après avoir adressé une première note à la Grèce et en avoir reçu une réponse qu’elle ne jugeait pas suffisante, lui en avait adressé une seconde où la question macédonienne était mêlée à la question crétoise d’une manière assez dangereuse, et où les exigences ottomanes étaient devenues de plus en plus grandes, sous prétexte de s’énoncer avec plus de précision. Les notes échangées n’étaient d’ailleurs connues que par des résumés incomplets, non officiels, qui en reproduisaient sans doute l’esprit, mais non pas les termes, et sur lesquels il