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militant : lorsqu’on l’a désigné pour prendre la parole dans une distribution de prix, il était donc facile de prévoir ce qu’il dirait. A quoi bon analyser son discours ? Tout le monde en a entendu de pareils et peut s’en faire une idée. Mgr Izarn, évêque de Pamiers, s’en est ému, et a cru devoir y répondre par une lettre adressée au proviseur du lycée de Foix, dans laquelle il annonçait à ce fonctionnaire que, puisqu’il n’avait pas protesté séance tenante contre les impiétés de M. Delpech et que la religion catholique pouvait être impunément bafouée au lycée de Foix, il retirait de ce lycée l’aumônier qui y était attaché. Nous n’avons pas à juger la décision de Mgr Izarn ; il a cru bien faire ; peut-être a-t-il bien fait. Mais la décision qu’il a prise est grave, et le proviseur du lycée, M. Chausson, l’a jugée telle. Il a, en effet, écrit à son tour une lettre à Mgr Izarn pour lui dire que les élèves religieux souffriraient seuls de la suppression de l’aumônier, et que ce serait regrettable. Mais pourquoi a-t-il ajouté que, en ce qui le concerne, il en prenait aisément son parti, car il était partisan de la morale indépendante ? Pourquoi a-t-il jugé à propos d’accompagner d’un air de flûte le trombone de M. Delpech ? Pourquoi, sinon pour se mettre à l’unisson avec ce dernier et ne pas s’exposer à ses foudres, qui peuvent être redoutables pour un fonctionnaire ? Un seul passage est tout à fait correct dans sa lettre, c’est celui où M. Chausson dit : que les orateurs de distribution de prix sont nommés par le ministre et qu’il n’a sur leurs discours, lui simple proviseur, aucun droit de contrôle, d’approbation ou d’improbation. Le ministre, en effet, est seul responsable du choix qu’il a fait. M. Chausson a eu raison de le dire, mais il aurait mieux fait de ne rien dire de plus.

Qui ne voit l’inconvénient de ces discours de combat devant des enfans, de ces lettres échangées, enfin de ces polémiques passionnées entre des hommes qui devraient se tolérer, se respecter, ou, s’ils le préfèrent, s’ignorer ? Mais peuvent-ils s’ignorer ? Les paroles de M. Delpech ont, par des ricochets inévitables, provoqué celles de Mgr Izarn, de M. Chausson et de tous les journaux qui sont venus à la rescousse de l’un ou de l’autre. De là nos appréhensions. La liberté de l’enseignement, pratiquée pendant un demi-siècle, avait éteint la guerre que se faisaient auparavant les partisans de l’enseignement universitaire et ceux de l’enseignement congréganiste. Auparavant, les deux enseignemens étaient surveillés, espionnés, attaqués, calomniés avec une ardeur implacable : on ne laissait rien passer sans le dénoncer et l’envenimer. Le règne de Louis-Philippe a été rempli par cette guerre civile des esprits : va-t-elle recommencer ? Déjà les hérauts des deux camp