Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour louer une mansarde et pour y mettre une demi-douzaine de cahiers de musique sur un vieux clavecin mangé des vers. Son premier libretto lui tombait du ciel, ou tout au moins d’une fenêtre, où le musicien des rues et sa musique avait attiré je ne sais quel poète-impresario.

Des leçons, Haydn en donnait plutôt que d’en recevoir, et c’est en enseignant qu’il s’instruisait. Par les parens d’une de ses élèves, il entre en relation avec Métastase, qui le présente au vieux Porpora. Et si pour le coup celui-ci fut bien le maître de Haydn, c’est un peu, si ce n’est surtout, parce qu’il l’avait pris comme valet de chambre.

Plus tard encore, beaucoup plus tard, quand il sera, depuis quelque vingt ans, le directeur ou l’intendant de la musique du prince Esterhazy, nous retrouverons dans Haydn l’artiste personnel, indépendant et pour ainsi dire étranger aux productions de ses contemporains. En 1781, il écrivait à l’éditeur Artaria : « Si seulement les Français pouvaient connaître mon opérette l’Isola desabitata et mon dernier opéra la Fedeltà premiata ! Je suis certain que l’on n’a pas encore entendu de pareil travail à Paris et peut-être pas davantage à Vienne. » Que l’on songe au peu que vaut dans l’œuvre de Haydn son répertoire dramatique, et l’on jugera qu’il se connaissait médiocrement lui-même. Surtout on conviendra qu’il ignorait les autres, si l’on se souvient qu’à cette époque Mozart avait donné Idoménée à Munich, qui n’est point aux antipodes de Vienne, et que Paris était familier avec les tragédies de Gluck et la moitié des comédies de Grétry.

Seule, la maturité de Haydn connut de grands exemples et n’eut garde de s’y dérober. La révélation des œuvres de Haendel ne fut sans doute ni le moindre agrément ni le moindre profit que Haydn retira de ses glorieux voyages en Angleterre. On l’entendit s’écrier un jour, a la fin de l’Alléluia du Messie : « Voilà notre maître à tous. » Après de longues études à la bibliothèque de Buckingham-Palace, M. Saint-Saëns nous assurait naguère, contrairement à l’opinion commune, que le sens pittoresque ou descriptif était l’un des traits les plus marqués de la supériorité de Haendel sur ses devanciers. Haydn peut-être eut la même impression, et rien n’empêche qu’on ne trouve ici l’une des causes qui le décidèrent à faire aussi grande, dans la Création et dans les Saisons, la part de la nature.

Enfin, M. de Wyzewa nous apprend que, parmi les douze dernières symphonies, lesquelles passaient pour avoir toutes été composées à Londres, une fut écrite à Vienne, en 1793, par Haydn revenant de son premier voyage, à la mémoire peut-être et sûrement sous l’influence