Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui favorisèrent les progrès de la classe populaire, l’introduction des cultes orientaux, auxquels tout le monde pouvait participer. Cela est fort juste : mais, bien avant les religions de l’Orient, dont l’arrivée à Rome n’est pas antérieure au IIe siècle, celles de la Grande-Grèce et de la Sicile avaient déjà offert à la foule le réconfort qui lui était nécessaire. Cérès, Flore et Mercure précédèrent Isis et Cybèle dans ce rôle de divinités spécialement chères à ceux qui ne pouvaient s’associer aux rites Capitolins. Leurs temples furent les premiers centres de ralliement des gens du peuple ; c’est là qu’ils connurent pour la première fois ce qui pouvait les hausser au-dessus de leur misérable condition : la notion de leur solidarité, la confiance en les dieux et en eux-mêmes. En somme, ces sanctuaires agirent sur eux dans le même sens que les demeures des riches marchands dont ils étaient proches. Ce double voisinage leur donna ce qui leur faisait défaut, et ce qui, au contraire, constituait la force de la cité Palatine. Les commerçans furent leurs guides, leurs conseillers, leurs défenseurs au besoin, comme les grands seigneurs étaient ceux de leurs cliens. Et, dans le culte des divinités Aventines, ils puisèrent le sentiment que leurs rivaux devaient à la religion héréditaire, le sentiment de dignité, de sécurité morale, qui était un efficace principe d’action, et qui n’existait guère alors en dehors des croyances surnaturelles. Appui terrestre, appui céleste, rien ne leur manqua plus pour croire qu’ils étaient égaux aux patriciens ; et, du moment qu’ils croyaient l’être, ils devaient fatalement le devenir. Ayant pour eux la puissance du nombre, ils ne pouvaient pas ne pas triompher lorsqu’ils eurent trouvé sur l’Aventin des dieux à eux et des chefs à eux.

Ce n’est pas à dire que l’union ait toujours été parfaite entre eux et l’élite ploutocratique qui s’était attribué le droit de les diriger. Quelquefois, les intérêts n’étant plus identiques, ils tentaient de se dérober à l’autorité de leurs conducteurs. Certains récits des historiens anciens laissent entrevoir ces essais de rupture, par exemple lors des lois de Sextius et de Licinius Stolon. Il s’agissait d’arracher aux patriciens le monopole du consulat. Les gens du peuple s’en souciaient fort peu, ils savaient bien qu’ils ne seraient jamais consuls, et ne tenaient pas à l’être. Mais les commerçans et les financiers le désiraient passionnément ; ils surent bien s’arranger pour contraindre la foule à réclamer cette réforme. A leur instigation, les tribuns présentèrent, en