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facteurs les plus efficaces de l’évolution qui a fait passer Rome de l’aristocratie à la démocratie.

Parmi les récits que nous ont transmis les auteurs classiques, nous rencontrons à chaque pas des détails qui affirment une étroite parenté entre l’histoire de l’Aventin et celle de la plèbe. Rappelons-nous tous ces sanctuaires que nous avons vus s’élever sur la montagne Aventine : les annales en attribuaient la fondation ou la dédicace aux personnages qui passaient pour avoir été les plus favorables à la classe inférieure. Diane et la Lune avaient, disait-on, reçu cet honneur de Servius Tullius, le roi qui, le premier, avait introduit les plébéiens dans l’organisation de la cité. Pour Gérés, c’était Spurius Cassius, l’un de ces chefs aventureux qui avaient, de très bonne heure, cherché à conquérir le pouvoir royal en s’appuyant sur la masse. Pour Mercure, c’était un centurion désigné par la plèbe ; pour Flore, deux édiles plébéiens. Bref, à chacun de ces temples était lié le nom d’un des acteurs de l’émancipation populaire. Pures légendes, sans doute ! mais légendes qui traduisaient une opinion fort enracinée dans les esprits ; et, ajoutons-le, légendes qui se perpétuaient dans les faits réels. A l’époque historique, tous ces édifices étaient sous la juridiction des décemvirs, c’est-à-dire du premier collège sacerdotal qui eût compté des plébéiens parmi ses membres, alors que le corps des pontifes restait exclusivement patricien. A l’époque historique aussi, le temple de Cérès servait de dépôt aux pièces d’archives qui concernaient la plèbe, de bureau aux édiles plébéiens ; enfin, c’est au profit du trésor de ce temple que l’on confisquait les biens des coupables qui avaient outragé le peuple en violant la sacro-sainte puissance tribunicienne. Autant d’indices qui témoignent qu’aux yeux des anciens il y avait une connexion intime, indélébile, entre les cultes Aventins, et les traditions ou les intérêts populaires.

L’histoire politique nous présente des souvenirs orientés dans le même sens que ceux de l’histoire religieuse. Les plus célèbres sont ceux qui se rattachent aux sécessions de la plèbe. Les sécessions ! Au temps jadis, où l’histoire romaine était la base de l’éducation civique, combien de collégiens, — et même de lecteurs sortis du collège, — combien d’orateurs politiques et de « philosophes » du XVIIIe siècle se sont passionnés pour les tableaux que ce nom remet sous nos yeux ! Les gens du peuple écrasés par leurs dettes, tenus en une sujétion féroce par les